Terrain miné
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Cobalt, nickel, lithium… Qu’ils soient bleus, verts ou blancs, une chose est sûre : les métaux dits rares sont l’or du xxie siècle. Avec les mal nommées « terres rares » (qui ne sont pas des terres et ne sont pas si rares), ils fournissent des poudres de modernité auxquelles notre civilisation s’est rendue accro, tout à son emballement conjugué pour la numérisation, la décarbonation ou encore la course à l’espace. Sans ces minerais, en effet, il serait impossible de faire tourner les éoliennes dernière génération ou les serveurs de l’IA, de transformer les rayons du soleil en électricité ou de faire décoller une fusée. Des moteurs de brosse à dents électrique aux têtes de missile en passant par les appareils d’IRM, presque aucun objet industriel récent ne semble pouvoir s’en passer.
Mais cette boulimie possède ses effets secondaires : des rapports de force très inégaux entre les pays qui exploitent les gisements, ceux qui raffinent les métaux, Chine en tête, et la foule des États consommateurs mais non producteurs – dont l’Union européenne, qui a majoritairement tourné la page de son passé minier. Résultat : une autre dépendance, économique et géopolitique cette fois, s’est installée envers les fournisseurs de « métaux critiques », cruciaux pour l’économie et dont l’approvisionnement est risqué. Pour couper le cordon, Bruxelles vient d’annoncer des facilités administratives et un soutien financier en faveur de quarante-sept sites européens de métaux stratégiques, dont huit en France. Dans le même temps, les multinationales minières se ruent vers les gisements métallifères des pays du Sud. La suite du scénario est tristement prévisible : pratiques néocoloniales, accaparement des ressources naturelles – comme celui que Donald Trump souhaite organiser en Ukraine –, voire invasion pure et simple – ce que le même semble envisager à propos du Groenland.
Mais dans le vacarme des pelleteuses et la chaleur infernale des fonderies, une question peine à se faire entendre : tout cela est-il bien nécessaire ? Indispensables, les immenses écrans publicitaires en couleur, gourmands en terres rares ? Vitaux, les circuits imprimés du smartphone remplacé chaque année, alors qu’ils contiennent tantale et néodyme ? Quant au précieux cobalt, est-il utilisé au mieux dans la batterie électrique d’un SUV de 2,5 tonnes ? Extrapolée à l’ensemble du globe, cette frénésie donne le vertige : dans les vingt ou trente années qui viennent, l’humanité pourrait tirer des entrailles de la terre autant de métaux qu’elle en a extrait en… 70 000 ans.
Bien sûr, personne n’est légitime pour distinguer le bon grain de l’ivraie, l’usage utile du gadget à proscrire. Mais comme dans toute cure de désintoxication, nous devrons tôt ou tard recourir à une thérapie simple quoique redoutée : la sobriété.
« La transition énergétique comporte sa part d’ombre »
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[Rareté]
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VOUS avez vendu vos deux ou trois Tesla, ne supportant plus la conduite d’un nazillon survolté qui a perdu les pédales. Votre conseiller financier vous suggère d’investir cet argent dans les « terres rares »...
Assurer l’approvisionnement de la défense
Raphaël Danino-Perraud
L’économiste spécialiste du secteur de la défense, Raphaël Danino-Perraud, répond à la question des chaines d'approvisionnement et de leur contrôle, qui soulève des enjeux de sécurité et de souveraineté nationale.