Le 12 janvier 1918, 155 hommes et enfants disparaissent dans une mine de charbon anglaise, pendant que les combats font rage en France. Ainsi la guerre entasse les matières premières et les cadavres. Wilfred Owen est tué quelques mois plus tard. Quelles seront les victimes des terres rares ? 

 

Il y eut dans mon âtre comme un murmure,

Un soupir du charbon,

Nostalgique d’une terre plus ancienne

Dont il gardait sans doute la mémoire.

J’entendis une histoire de feuilles,

De fougères ensevelies,

De frondes en forêts – la vie humble et secrète

D’avant les faunes.

Mon feu suscitait, frémissants, des fantômes de vapeur

Sur le vieux chaudron du Temps,

Avant que les oiseaux ne fissent leurs nids d’été

Ou que les hommes eussent des enfants.

Mais les charbons parlaient tout bas de leur mine

Et des gémissements, au fond,

Des garçons qui dormaient d’un mauvais sommeil

Et des hommes privés d’air.

Et je vis dans les cendres des os blancs,

Des os sans nombre.

Tant de corps musclés, carbonisés,

Et si peu pour s’en souvenir.

Je songeai à tous ceux qui creusaient les puits sombres

De la guerre et mouraient,

Brisant la roche où la Mort prétend

Que repose la Paix.

Les années consolées s’assiéront mollement

Dans des chambres d’ambre ;

Les années tendront leurs mains applaudies

Par les braises de nos vies.

Les siècles brûleront les riches cargaisons

Qui nous firent gémir.

Leur chaleur bercera leurs paupières rêveuses

Au doux son des chansons.

Mais ils ne rêveront pas de nous, pauvres garçons

Abandonnés sous terre.

 

Wilfred Owen, Et chaque lent crépuscule, traduit de l’anglais par Bathélemy Dussert avec la collaboration de Xavier Hanotte © Le Castor astral, 2012

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