C’est une scène de liesse. Des visages radieux malgré l’épuisement et les longues journées d’attente. Les migrants de l’Open Arms ont appris qu’ils pourraient enfin débarquer sur la terre ferme de Lampedusa, le mardi 20 août. Cette issue heureuse ne peut dissiper l’immense malaise provoqué par l’épreuve imposée à ces déracinés, au vu et au su du monde entier. Impossible d’effacer les images d’un bateau interdit de libérer son chargement de misère humaine – mais où est l’humain dans cette histoire ? – et que les autorités italiennes, par la voix de Matteo Salvini, voulaient contraindre à retraverser la Méditerranée jusqu’au port espagnol d’Algésiras. Ubu aux aguets, on allait suivre une nouvelle odyssée de ce navire humanitaire auquel, malgré son nom, l’Italie fermait les bras en le contraignant à parcourir 950 milles nautiques, soit 1 800 kilomètres… Telle était l’ultime solution envisagée avant que la justice de la Péninsule, face à l’état d’urgence des 107 migrants à bord, ne décide de les évacuer à Lampedusa. Pendant ce temps, l’Ocean Viking de SOS Méditerranée et de Médecins sans frontières cherchait un port d’accueil entre l’Italie et Malte pour ses 356 rescapés.

Pour sa reprise, le 1 a voulu revenir sur cette situation apparue au grand jour en 2015, massivement nourrie par l’effondrement libyen et la guerre en Syrie. Quatre ans plus tard, l’Europe s’est dotée d’armes sécuritaires plus qu’humanitaires. Les candidats à l’exil traversent trois à quatre fois moins Mare Nostrum, mais ils y meurent deux fois plus. Depuis janvier, 6 % des migrants ayant emprunté cette route ont disparu en mer, soit 843 victimes, un taux de mortalité qui a doublé au regard de 2018. La Méditerranée est devenue le mouroir de l’Europe. Son miroir aussi. Il est aisé de stigmatiser Salvini. Mais que dire de nombre de pays de l’« Union » européenne, où siègent, aurait dit de Gaulle, autant d’égoïsmes que de membres inscrits ? 

La France s’est certes engagée à accueillir 40 rescapés de l’Open Arms et à leur accorder le statut de réfugié s’ils se trouvent, étrange formule, « en besoin de protection ». Pour autant, le sort des migrants sur notre territoire relève davantage de la violence que de l’accueil. De Grande-Synthe à Paris-Porte de la Chapelle, leurs conditions de vie sont si tendues que la solidarité ne résiste pas à la xénophobie. Une situation qui a inspiré ces paroles à la capitaine allemande du Sea-Watch 3, Pia Klemp, pour justifier son récent refus de la médaille de la Ville de Paris : « Mme Hidalgo, vous voulez me décorer pour mon action solidaire en Méditerranée. Votre police vole les couvertures de personnes contraintes de vivre dans la rue, vous réprimez des manifestations et criminalisez des personnes qui défendent les droits des migrants et des demandeurs d’asile. Vous voulez me donner une médaille pour des actions que vous combattez à l’intérieur de vos propres remparts. » La critique est cinglante. Elle dépasse de loin les murs de la capitale. 

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