« Les journalistes ne se posent pas assez de questions sur leurs responsabilités »
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Qu’est-ce qui a changé dans le statut et la diffusion de l’information ?
Au milieu du XIXe siècle, dans les démocraties occidentales, la presse d’information est née avec le projet de raconter des histoires plutôt que de publier des opinions. On pouvait se mettre d’accord sur des faits. On faisait confiance à ceux qui les racontaient et qui se donnaient souvent comme objectif de neutraliser ou de vérifier certaines rumeurs. L’exemple de Nellie Bly est parlant. En 1887, cette journaliste est allée voir ce qui se passait vraiment dans l’asile de Blackwell’s Island, un établissement psychiatrique pour femmes au large de Manhattan. De terribles rumeurs circulaient mais nul n’y était allé voir. Elle a proposé à Joseph Pulitzer, son patron, de se faire passer pour folle. Elle y est restée dix jours puis a publié son reportage dans le New York World, devenant alors une vraie star. C’était un geste fondateur : opposer des faits à la rumeur. Ce qui a conduit d’ailleurs à la fermeture de l’asile. Et ce geste a fait du journaliste un « témoin-ambassadeur ». Ambassadeur du public, mais à condition d’être témoin : d’y aller avec son corps, avec ses sens, pas avec ses idées. Cette idée du témoin-ambassadeur pose évidemment plein de questions, mais elle est décisive dans l’histoire du journalisme. Elle a mis au centre de la déontologie journalistique l’accuracy, l’« exactitude factuelle », due au public. Elle a connu des crises. Mais aujourd’hui, trois nouveautés ont mis la pagaille.
Lesquelles ?
D’abord, le mode de diffusion de la rumeur est devenu beaucoup plus efficace. Avant, c’était d’espace privé en espace privé – d’alcôve en restaurant, de canapé en oreiller. Avec les réseaux sociaux, on est dans un espace à la fois privé et public, on parle à un auditoire privé mais tellement massif qu’il devient public. Cela pose le problème du statut exact de ces réseaux sociaux qui échappent en partie aux législations sur l’expression publique. Pas de « directeur de publication », pas même d’équivalent de l’« imprimeur » ou du « vendeur », prévus par la loi française de 1881 sur la liberté d’expression.
Ensuite, l’habitude de la lecture sur écran modifie l’attention. Des &ea
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