J'ai vraiment du mal avec Estelle, une collègue de travail. Plus féministe qu’elle, tu meurs ! À propos d’un poste à pourvoir dans notre service, que je trouve trop masculin,  j’ai eu le malheur de suggérer : « Nous devrions embaucher plutôt une femme. » Que n’avais-je pas dit là ! « Et pourquoi pas un sourd-muet pour équilibrer les bavards ? m’a-t-elle lancé. Vas-y, fais-nous une homélie sur la complémentarité des sexes ! »

Ce n’est pas la première fois que cette guerrière prend pour du sexisme ce qui, de ma part, est une reconnaissance réelle des qualités féminines.

Estelle ne supporte pas la galanterie. Hier matin, quand j’ai voulu la laisser entrer avant moi dans la cabine de l’ascenseur, elle s’est rebiffée en grommelant : « Les femmes et les enfants d’abord, c’est ça ? »

Estelle me donne l’impression d’être plus à l’aise avec cet affreux macho de Jean-Philippe qu’avec moi. Mon féminisme naturel l’agace. Commentant un rapport d’Amnesty International, je faisais remarquer que les hommes sont responsables de la quasi-totalité des actes de torture dans le monde. « Barbarie, disais-je, devrait être un nom masculin. » D’un air ironique, Estelle m’a traité de « sexiste bienveillant ». Ce n’était pas un compliment. M’étant documenté, j’ai appris que ce terme désignait une attitude ambiguë, faite de bons sentiments et de paternalisme déguisé. Il paraît que ce sexisme-là est encore plus infériorisant que le sexisme hostile : une étude universitaire réalisée à Liège et portant sur 15 000 personnes d’une quinzaine de pays l’aurait démontré. 

Vais-je devoir, par respect pour les femmes, me convertir en macho caractérisé ? 

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