Les femmes sont, d’un point de vue numérique, largement minoritaires dans les statistiques pénales, et leur proportion diminue tout au long de la chaîne : elles représentent aujourd’hui 14 % des individus mis en cause par la police et par la gendarmerie, 9 % des personnes condamnées devant les tribunaux à titre pénal, et à peine plus de 3 % de la population carcérale. Cette dissymétrie sexuelle très nette signifie-t-elle que les femmes sont moins violentes que les hommes ? Sans adhérer aux discours masculinistes qui cherchent à remettre en cause la réalité, massive, des violences faites aux femmes, ces chiffres méritent d’être interrogés pour comprendre la manière dont la société cantonne les femmes à l’a-violence. Ces statistiques doivent d’abord être réinscrites dans l’histoire. Contrairement aux discours actuels sur une recrudescence de la violence et de la délinquance féminines, la proportion de femmes en prison, par exemple, n’a jamais été aussi faible. Les études historiques ont aussi montré combien les femmes ont participé à des événements politiques jugés violents, comme la Révolution française ou les émeutes de la faim. Il n’y a donc pas une différence de nature qui expliquerait la moindre violence actuelle des femmes. Il faut plutôt se tourner du côté des institutions qui enregistrent et sanctionnent les actes violents de façon distincte selon le sexe. À ce propos, les quelques recherches menées sur la pénalité en France ont montré une forme de « protection » des femmes : elles échappent en partie au regard policier et aux sanctions pénales. Les juges pour enfants, par exemple, ouvriront plus facilement un dossier en assistance éducative lorsqu’il s’agira d’une fille que d’un garçon, les infractions des mineurs de sexe masculin étant davantage pénalisées. Devant les tribunaux, les femmes peuvent faire l’objet d’une forme de clémence : elles sont moins condamnées à la prison que les hommes. Cette différence de traitement s’explique entre autres par des stéréotypes de genre et suppose, pour les femmes, d’autres formes de sanction et d’autres espaces de contrôle social dans lesquels elles sont étroitement surveillées. Leur délinquance et leur violence étant interprétées comme le résultat d’une histoire familiale, de problèmes psychologiques, voire psychiatriques, elles appellent davantage une thérapeutique qu’un traitement répressif. Cela conduit ainsi à un sous-enregistrement de leurs actes violents et à un travail disciplinaire spécifique à l’égard de ces femmes qui ont osé, par leurs actes, remettre en cause la différence de sexe. 

Conversation avec MANON PAULIC

 

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