La nouvelle loi sur l’égalité salariale des hommes et des femmes est entrée en vigueur le 1er janvier de cette année. Une stricte égalité qui concerne les entreprises publiques et privées de plus de 25 salariés, avec amendes à la clé pour les sociétés récalcitrantes. Vous l’ignoriez ? C’est normal. Nous sommes en Islande, pas en France. Il faut dire que les autorités de Reykjavik ne plaisantent pas avec les discriminations. La nouvelle loi veut combattre les écarts de salaires injustifiés, qu’ils soient liés à l’origine ethnique ou à la religion, mais aussi à l’âge, à l’orientation sexuelle ou au handicap. Et bien sûr au sexe. Certains pays ont une tolérance plus limitée que d’autres aux inégalités. L’ancien Premier ministre islandais Sigmundur Davíð Gunnlaugsson avait d’ailleurs fait sensation l’an dernier en condamnant « un écart de salaire inacceptable de 5 % entre les hommes et les femmes ». 5 % ? On en croit à peine nos oreilles. Chez nous, cette différence salariale est de 9 % pour un même travail, ce qu’on appelle la « pure discrimination ». La différence moyenne atteint même 24% tous critères confondus (horaires, qualification et secteur d’activité). Un fossé que la ministre du Travail Muriel Pénicaud s’est engagée à faire disparaître d’ici 2022, après avoir rappelé que l’égalité entre hommes et femmes est un principe constitutionnel et que la loi Roudy sur l’égalité professionnelle remonte à 1983…

Ce ne sont certes pas les textes qui manquent, depuis les dispositions européennes du traité de Rome (1957) jusqu’à la panoplie législative nationale qui réaffirme régulièrement ce principe d’égalité, lequel recouvre le fameux et illusoire « à travail égal, salaire égal ». Mais c’est bien connu : quand les lois se répètent pour dire la même chose, c’est qu’elles ne sont guère appliquées. 

D’où vient que nous ayons de la peine à entonner la ballade islandaise ? Sans doute faut-il remonter aux sources d’une société patriarcale qui s’obstine à considérer le travail des femmes comme un appoint, un superflu qui ne saurait être nécessaire. Dans leur ouvrage Un siècle de travail des femmes en France – 1901-2011 (La Découverte, 2012), Margaret Maruani et Monique Meron jettent cette lumière crue, et cruelle : « Sur les femmes pèse toujours le soupçon rampant de l’inactivité, écrivent la sociologue et la statisticienne. Est-ce bien du travail qu’elles font là ? Une paysanne dans un champ, travaille-t-elle ou regarde-t-elle le paysage ? Une ouvrière licenciée, est-ce une chômeuse ou une femme qui rentre au foyer ? Ces questions disent le contraste entre l’évidence du travail masculin et la contingence du travail féminin. » Sur le marché de l’emploi, une femme vaut moins cher qu’un homme. « L’inégalité entre les sexes n’est pas un fait de nature », nous a appris Françoise Héritier. C’est un fait pourtant, et il a la vie dure. 

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