Un sexime persistant ne suffit pas à expliquer que les femmes soient sous-représentées à la tête des entreprises. Nombre d’entre elles craignent de ne pouvoir concilier travail et vie de famille, ou font preuve de modestie excessive et rechignent à se mettre en avant. Les talons aiguilles rayent moins souvent le parquet que les dents de ces gourmands messieurs.

Mais attache-t-on assez d’importance au vocabulaire ? L’inégalité des fonctions ne serait-elle pas accentuée par une inégalité sémantique ?

Le pouvoir est incarné par le chef. « Ce mot n’a pas de féminin », affirmait l’édition 2008 du Larousse, en précisant : « On dit elle est le chef du service. » Une décennie plus tard, ce même dictionnaire nuance son propos : « Le mot peut désigner une femme et peut alors s’employer familièrement au féminin : La chef est dure. »

On s’est habitué peu à peu à dire la ministre, la maire ou même la préfète. Mais on bute toujours sur la chef. La Suisse romande a choisi cheffe, que l’administration française a adopté officiellement dans son annuaire et sa correspondance. 

La gastronomie semble prête à lui emboîter le pas. Fini le temps où la cuisine professionnelle était une affaire d’hommes tandis que les femmes n’assuraient que la tambouille familiale. Le (la) chef Anne-Sophie Pic, seule femme triplement étoilée de France, déclare bien aimer cheffe. Nous avons encore du mal à digérer ce mot, même à l’ombre d’une si grande toque.

Il n’était pas question de dire cheftaine, qui fait trop scoute. Restait une féminisation de chef grammaticalement parfaite sur le modèle de princesse ou duchesse. Mais alors, bonjour les harceleurs ! 

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