Pourquoi Saint-Exupéry ? Un rendez-vous éditorial d’abord, comme une dernière nouvelle du ciel. Ce monumental « Quarto » de Gallimard, Saint-Exupéry, du vent, du sable et des étoiles, qui paraît en cette mi-novembre pour embellir notre automne d’une voix venue d’ailleurs et pourtant si familière. Une voix qui croyait en l’homme faute de croire en Dieu, qui en appelait à l’homme pour sauver l’homme. Tout au moins pour l’apprivoiser comme un certain Petit Prince s’emploierait à le faire d’un gentil renard philosophe. Saint-Exupéry aussi pour nous rappeler à la responsabilité. Chacun est responsable de l’autre. Ce sentiment qui court de Vol de nuit à Pilote de guerre en passant par Terre des hommes est une leçon de cet écrivain qui ne voulait pas en donner. Elle emporte son écho jusqu’en notre présent. Comment prendre soin d’autrui. Comment se lier et se relier sans se renier.

À travers des documents inédits ou méconnus, une vision plus nette encore de l’aviateur-écrivain se fait jour. Une plume avec des ailes. Une plume qui ne se déploie qu’ailée. Il faut entendre cet aveu poignant de Saint-Ex à ses proches : il ne peut écrire que s’il vole. C’est aux commandes de son avion, à travers la nuit des hommes, qu’il y voit le plus clair sur eux. Et qu’il trouve le carburant de l’écriture. Que les mots lui viennent en contemplant l’humanité dispersée que relient de vacillants halos de lumière. « Je n’aime pas du tout cette distance interplanétaire qui sépare les individus », écrit-il de Buenos Aires à son amie Yvonne de Lestrange. À travers son œuvre revisitée dont ce numéro spécial du 1 donne quelques-uns des plus beaux éclats, Saint-Exupéry illustre l’exhortation de Malraux : transformer son expérience en destin. Son destin à lui, « Tonio », c’était, au propre comme au figuré, de prendre de la hauteur, là où la solitude parle à la multitude, là où l’engagement, l’action, le courage et l’obsession d’« y aller » prennent tout leur sens. Tout en gardant précieusement sa part de rêve et de poésie, de conte et de fantaisie. Rester « un homme qui pense à autre chose ». 

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