Parmi les titres qu’en 1939 Antoine de Saint-Exupéry envisage de donner à son troisième livre, avant d’arrêter son choix sur Terre des hommes, quelques-uns se démarquent par leur beauté suggestive et aventureuse, arrimés au vécu et pourtant ouverts à la rêverie. Étoiles par grand vent compte parmi ceux-là. Le vocabulaire de la navigation aérienne, mêlé à l’évocation des conditions extrêmes où s’accomplit la geste aéropostale, pose le décor d’une vie pleinement engagée dans la matière périlleuse du monde. 

La lecture des lettres bouleversantes que Saint-Exupéry adresse en 1943, depuis Alger, à son amie Nelly de Vogüé donne une signification plus large à ce titre non retenu. Voilà une conscience à la peine (à son grand désarroi, le pilote est alors tenu à l’écart de son escadrille par le commandement allié en Méditerranée) qui se saisit elle-même, non dans une réflexion plaintive, mais dans l’expression de sa pleine disponibilité à ses contemporains : « Aimer sans espoir, écrit-il à sa confidente, ce n’est pas ça le désespoir. Ça veut dire que l’on ne se rejoint qu’à l’infini. Et sur la route, l’étoile est inusable. On peut donner, donner, donner. » Rare, le triplement du verbe n’est pas un truc d’écrivain mais un gage d’authenticité : on le retrouve dans l’un des plus beaux passages de Citadelle (« Moi je vais, je vais, et je vais », dit le caïd qui s’achemine vers son jardin), comme vingt ans plus tard chez Milan Kundera, au huitième chapitre de La Plaisant

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