Aux premiers symptômes de printemps
Les retraités arrivent
Place des Armes à Santiago du Chili
Et ils s’asseyent sur les sièges en fer
Une jambe sur l’autre
À profiter de l’air transparent
Sous une pluie de pigeons gris.
Les retraités vivent en symbiose
Avec ces oiseaux aux couleurs qui tremblent :
Ils les fortifient avec des cacahuètes
Et eux
                 De picotements amicaux
Leur extraient la viande des molaires.
Les retraités sont aux pigeons
Ce que les crocodiles sont aux anges.

Traduction inédite de L.C.
« Camisa de fuerza », Obra gruesa, Editorial Universitaria, 1969

Le Chilien Nicanor Parra, mort à 103 ans, n’est pas à la retraite quand il publie ce poème. Les retraités à la peau ridée s’y confondent avec des crocodiles et les pigeons aux pluviers qui nettoient les dents des reptiles. Les derniers vers jouent avec cette image édénique, en faisant des oiseaux une sorte d’agents spirituels… des anges. 

 

 

 

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