Après les précautions d’usage, je suis entré de nouveau dans la tête de Bachar al-Assad. Elle est toujours aussi nauséabonde, mais cette fois-ci, j’y ai trouvé un autre occupant, une lame de rasoir, une hyène, un ancien espion. Lèvres minces, un trait dessiné à la machine, de petits yeux sans éclat, une peau claire. Dès qu’il m’a regardé, j’ai senti comme une aiguille percer le fond de mes yeux. J’eus très mal. Il fallait partir au plus vite. La sortie fut difficile, car il y avait partout des vigiles armés prêts à exécuter les ordres. Ça sentait mauvais, très mauvais, une odeur de charogne. Je regardai de nouveau l’occupant ; son visage était en acier. Je réalisai à ce moment-là qu’il s’agissait de Vladimir Poutine. C’est lui qui avait laissé mourir les vingt-trois marins qui avaient survécu à l’explosion dans le sous-marin nucléaire et croiseur Koursk le 12 août 2000, dans la mer de Barents. Pas de survivant. Pas de témoignage. Tout est devenu clair dans mon esprit. Je suis submergé d’informations, comme pour me signifier que la guerre en Syrie est la sienne.

Homme de sang-froid et stratège de pointe. Il ne parle pas. Il lui suffit d’un regard pour agir. J’apprends que c’est lui qui a planifié la guerre que son ami Bachar al-Assad livre à son peuple depuis mars 2011. 

La première idée géniale de Poutine a été d’infiltrer les rebelles laïcs et démocrates par des djihadistes promettant l’instauration d’une république islamique après la chute de Bachar et l’élimination de la minorité chrétienne. Laquelle aurait dépêché une délégation auprès de l’Église orthodoxe de Moscou, lui demandant d’intervenir auprès de Poutine. Très vite le plan a fonctionné à la perfection. L’Amérique ainsi que l’Europe ont été sensibles à cet argument. D’où leur immobilisme disant « mieux vaut un Bachar qu’une république islamiste ». La voie de la défaite des rebelles laïcs rejoints par une partie de l’armée de Bachar est tracée.

Deuxième idée diabolique de Poutine : l’affaire des armes chimiques. J’imagine Poutine conseillant à Bachar de faire usage de ces armes. Qu’importe le nombre de victimes. Poutine est un politique, pas un rêveur romantique. Août 2013, quelque 1 500 personnes, dont un grand nombre d’enfants, ont été gazées. Des images insoutenables ont fait le tour de la planète. Honte sur Bachar. La ligne rouge a été franchie. Obama s’énerve, menace, puis fait son calcul. Hollande était prêt à intervenir, puis Obama le calme. Bachar accepte de détruire ces armes terribles et voilà que tout le monde a oublié les 120 000 morts par des armes conventionnelles. Bachar apparaît comme un bon élève tout en poursuivant les massacres de civils. Aucune intervention en faveur du peuple et des rebelles n’est envisagée. Le clan Bachar remporte des victoires, même s’il n’y a plus que des ruines et des charniers. L’indifférence du monde y contribue et les Nations unies ne servent à rien.

Poutine, très occupé par les jeux de Sotchi, puis les turbulences ukrainiennes, envoie des conseillers suivre la guerre. L’Iran fait appel aux soldats du Hezbollah et dépêche quelques mercenaires pour se battre sur place contre les djihadistes sunnites et tous ceux qui réclament une Syrie libre. 

Depuis la révolution des officiers égyptiens en 1952, la Russie a toujours été présente au Proche-Orient. Poutine prend actuellement sa revanche du fait d’avoir été écarté de la libération de la Lybie. Armé de son veto, rompu aux manœuvres les plus machiavéliques, Poutine exhibe sa force et son cynisme sans ciller. La tête de Bachar, même occupée, se relève et prépare sa réélection au mois de juin prochain. C’est une garantie Poutine. 

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