Je ne doute pas (ce n’est pas une figure de style) que Parcoursup apporte des améliorations à Admission post-bac. Quelque parfum de démocratie athénienne qu’ait pu exhaler la procédure du tirage au sort, quelque excellentes qu’aient pu être les intentions de ses initiateurs, la pratique s’est révélée cafouilleuse, inégalitaire et quelquefois ubuesque, avant d’être sinon absolument condamnée, du moins limitée à quelques cas exceptionnels par le Conseil d’État. La loi Orientation et réussite des étudiants (sic) a donc disposé que « les inscriptions sont prononcées […] après vérification de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation initiale ou ses compétences et, d’autre part, les caractéristiques de la formation ». Ergo, pour vérifier cette cohérence, on examinera le curriculum vitae des prétendants et leur lettre de motivation. Dans un récent numéro, Le Canard enchaîné rapporte l’une de ces lettres, signée par un candidat à une licence de géographie : « Madame, Monsieur, je suis intéressé par votre licence proposée par l’université de Bourgogne. Je pense qu’elle pourra m’aider, moi et mes camarades, à organiser la lutte des classes […] et ainsi à libérer les prolétaires de l’oppression bourgeoise. » Eliott, le lycéen en terminale ES signataire de cette missive, a été admis en licence de géographie. « J’ai fait ça, explique-t-il, pour montrer que les présidents de fac se moquent de nous en jurant que les lettres de motivation allaient toutes être lues ». 

Le seraient-elles que quiconque a déjà eu à connaître de ce genre épistolier sait qu’il se caractérise par une platitude, voire un conformisme qui rend vain l’espoir d’y trouver un élément susceptible d’alimenter l’évaluation d’une candidature. « Sens de la rigueur », « compétences rédactionnelles », « investissement dans la pratique associative », « motivation », « dynamisme », « capacité de synthèse », « volonté », « détermination », « capacité de travail », « ouverture sur le monde », « autonomie », « sens de l’organisation », « curiosité », « souplesse d’esprit », « solide culture générale », telles sont les invariables, inévitables et invérifiables qualités mises en avant par les rédacteurs. Les conseils qu’ils reçoivent les poussent à être originaux de la même manière que leurs voisins. La toile leur offre quantité de modèles où l’on retrouve la litanie ci-dessus, agrémentée quelquefois de conseils assez puérils (« pas de familiarité », « mettez correctement les accents et les virgules »,  « utilisez des verbes positifs »). Prudence est mère d’uniformité et ses principaux effets sont de rendre chaque lettre semblable aux autres, c’est-à-dire de la rendre impropre à remplir son office. Comment choisir un clone plutôt qu’un autre ?

Le tumulte provoqué par les aléas et les possibles ratés de la procédure Parcoursup trahit notre fétichisation de la formation universitaire dès la sortie du lycée. Mais, puisque nous prétendons valoriser les expériences personnelles à travers l’examen des curriculums vitae et des lettres de motivation, pourquoi ne pas pousser la logique de cette intention jusqu’à multiplier des procédures d’admissions tardives, et rouvrir les portes des facultés à des postulants qui, après quelques années hors de l’école, en auraient assez appris sur eux-mêmes et sur notre monde pour se faire une meilleure idée de leur avenir et y prétendre à la première personne ? 

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