En quelques jours, le mot Parcoursup s’est imposé dans toutes les conversations : lycéens, parents, étudiants, tous parlent de son fonctionnement et de ses supposés dysfonctionnements. Mais au fait, Parcoursup, comment ça marche exactement ? Quels sont les mystères de cet énorme outil informatique ?

L’année dernière, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, accuse de tous les maux le dispositif d’orientation dans l’enseignement supérieur Admission post-bac, plus connu sous le nom d’APB, coupable de recourir au tirage au sort pour sélectionner in fine un certain nombre d’étudiants. L’exécutif décide alors de changer d’algorithme en urgence. Non content de trouver un moyen d’éviter tout tirage au sort, les informaticiens en charge du projet doivent également répondre aux critiques de la Commission nationale informatique et libertés, la CNIL, qui reproche à l’algorithme d’APB de « déterminer automatiquement, sans intervention humaine, l’orientation des candidats ». 

Il était temps de s’en rendre compte : le dispositif Admission-postbac avait été lancé en… 2009. Bref, il s’agit de répondre à une masse de contraintes – c’est ce qu’on appelle en informatique l’« optimisation sous contraintes » – et notamment de modifier une caractéristique essentielle d’APB : la hiérarchisation imposée des vœux des candidats qui favorisait les filières sélectives aux dépens de l’université. L’attribution d’une formation étant effectuée automatiquement par l’algorithme en fonction non seulement de la disponibilité des places mais aussi de l’ordre de classement des désirs des étudiants, ces derniers avaient tendance à placer stratégiquement en premier les filières sélectives dans leur liste de vœux. L’équipe d’informaticiens qui doit mettre en place le nouveau dispositif se trouve donc face à un défi à réaliser en seulement quelques mois. Elle prend la précaution de -s’appuyer sur l’expérience acquise par les équipes d’APB au sein de Toulouse INP. Car c’est toujours dans les serveurs d’APB que sont aujourd’hui hébergées les données de Parcoursup.

Les candidats à une inscription dans un établissement d’enseignement supérieur ont pu commencer à s’inscrire sur Parcoursup à partir du 15 janvier 2018. Les élèves peuvent en théorie formuler jusqu’à 10 vœux (contre 24 dans APB). En fait, ce nombre peut-être bien supérieur dans la mesure où certaines formations (écoles d’ingénieurs, classes préparatoires aux grandes écoles, DUT, BTS, etc.) sont regroupées dans des « vœux multiples ». Si un concours d’école d’ingénieurs comporte en réalité un bouquet de dix écoles, il est possible de postuler simultanément aux dix. Le tout sur l’ensemble du territoire, sachant qu’une priorité est donnée aux candidats de l’académie dans les licences qui restent non sélectives. En moyenne, les candidats ont finalement émis 7,7 vœux.

Dans le même temps, leurs professeurs principaux ont été amenés à se prononcer sur leurs vœux et à introduire leurs appréciations dans la « machine ». Cette procédure ne concernait auparavant que les élèves postulant en classes préparatoires. Les enseignants ont dû faire face à un travail considérable, que beaucoup d’entre eux ont eu des réticences à effectuer. D’une part parce qu’ils n’ont pas forcément une idée précise de ce qu’on attend de leurs élèves dans le supérieur, de l’autre parce qu’ils ne savent pas forcément juger des capacités de leurs élèves.

C’est à partir de là que le dispositif Parcoursup a été déclenché, pour faire correspondre les 6,3 millions de vœux émis par 812 055 candidats avec plus de 13 000 formations proposées. Jusqu’au 22 mai, ces millions de vœux, de lettres de motivation, d’appréciations ont été scrutés par les équipes pédagogiques des universités et des écoles. Non sans réticence, quand certains universitaires se sont élevés contre cette procédure – estimant, eux aussi, impossible de se prononcer sur les capacités de chaque candidat  – et que des universités ont annoncé qu’elles prendraient de toute façon tout le monde. Car finalement, le motif principal qui a présidé à la création de Parcoursup – éviter le tirage au sort – ne concerne en fait qu’une extrême minorité de lycéens. Contrairement aux idées reçues, il y a de la place dans la plupart des filières universitaires hors PACES (médecine), STAPS (sport), psychologie ou droit.

L’examen des dossiers permet cette année de sélectionner de très bons étudiants et de leur proposer des places qu’ils auraient sans doute négligées si l’algorithme leur avait proposé automatiquement, comme sur APB, un premier choix qui aurait sans doute été une filière sélective. Avec Parcoursup, le choix est plus large. Mais pas forcément plus humain : les universités ont adopté également des algorithmes de classement des vœux dont l’opacité est souvent pointée du doigt. Le tout en ne pouvant répondre que « oui » ou « oui si » aux candidats. Parcoursup refuse la sélection à l’université et la remplace par des périodes de « remédiation » : si une université juge qu’un candidat ne dispose pas des bases pour réussir dans une filière, elle doit lui proposer des cours supplémentaires pour le remettre à niveau. 

Le 22 mai, les candidats ont eu des réponses à leurs vœux et c’est là que la machine a montré ses faiblesses. La moitié des 812 000 candidats sont en effet restés sans affectation. Au même stade, le 8 juin 2017, ils n’étaient que 148 000. L’explication de cette attente est assez simple : les 400 000 lycéens ayant reçu des réponses positives à leurs vœux bloquent tous les autres le temps de répondre aux propositions qui leur ont été faites. Une semaine plus tard, environ 260 000 lycéens avaient fait un premier choix… pas forcément définitif. À ce stade, si le candidat peut accepter ou refuser l’une des propositions qu’on lui a faites, il peut également se maintenir sur celles qui sont en attente. D’où la nécessité de revenir chaque jour sur la -plateforme.

Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation garantit qu’au moins une réponse positive sera apportée aux deux tiers des candidats d’ici au début du bac et 80 % en juillet. Soit… un mois plus tard que la procédure Admission Post-bac. Toute la question est maintenant de savoir comment la génération de lycéens qui inaugure le dispositif jugera ce cheminement générateur d’une grande anxiété, alors même qu’elle prépare le bac. 

 

Les indicateurs de Parcoursup mis à jour sont accessibles sur
www.parcoursup.fr/pdf/Indicateurs_publics_29_05_2018.pdf

 

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