Au commencement était le verbe. Le verbe de Jaurès. Le verbe qui se fait geste, le geste changé en acte. On a tort d’affubler Jean-Luc Mélenchon du masque grossier de Chávez. Son modèle, s’il en a un, c’est le petit père du peuple socialiste d’antan, c’est l’homme au petit chapeau rond, barbe au vent, battant l’estrade du Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1913, pour lancer sa harangue pacifiste au peuple déboussolé. Juché sur un camion, le patron de L’Humanité tisse de longues phrases qui ondoient et ricochent au milieu de la foule. Le héraut de la France insoumise a étudié de près ce discours et sa représentation un peu « pompier », Jaurès accroché à la hampe d’un drapeau rouge. Il a vu ce qu’on ne remarque jamais : le leader socialiste parle sans micro, sans haut-parleur. Comment les 150 000 personnes rassemblées sur la butte peuvent-elles l’entendre ? Mélenchon sait la réponse : tous les cinquante mètres, des militants relaient les phrases de Jaurès en les criant pour l’auditoire trop éloigné de l’orateur. Et c’est ainsi, à voix d’homme, comme on dirait à dos d’homme, que passent les idées, la force du verbe. Le tribun d’aujourd’hui n’a pas oublié la leçon d’hier. Pour se faire entendre, il faut des relais, des alliés, des extensions de son organe déjà très sollicité. Mélenchon a expérimenté l’hologramme pendant la dernière campagne présidentielle. Son média citoyen est annoncé pour bientôt. Croître, c’est se démultiplier. Un homme, des voix, des milliers de voix. 

 

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