Faut-il relancer le nucléaire français ? Et, si oui, à quelles conditions ? À quel horizon ? L’annonce faite par Emmanuel Macron il y a près d’un an est-elle une véritable décision ou un coup de com’, une habileté de circonstance préélectorale peu avant la présidentielle ? Et, quand bien même cette déclaration obéirait à une volonté d’agir au mieux de l’intérêt énergétique de notre pays, avons-nous les moyens de cette ambition ? Qu’est-ce qui relève du réalisable, de l’impossible, voire de l’illusoire ?

Près d’un demi-siècle après le premier grand programme nucléaire présenté par le Premier ministre Pierre Messmer en mars 1974, cette filière, stratégique tant pour notre indépendance que pour nos gestes quotidiens – à commencer par s’éclairer –, a connu d’importantes vicissitudes. « Le nucléaire a subi une perte de compétences assez claire en raison d’un sous-investissement, d’un manque de soutien politique et d’une mauvaise gestion sur, a minima, les dix dernières années », explique dans l’entretien qu’il nous a accordé Phuc-Vinh Nguyen, chercheur spécialisé dans les politiques énergétiques à l’Institut Jacques-Delors. « Une perte généralisée de compétences », affirmait Jean-Martin Folz en 2019 dans son rapport officiel demandé par Bercy, pour comprendre le fiasco industriel de l’EPR de Flamanville.

À l’évidence, notre parc nucléaire est affaibli, et les nombreux dysfonctionnements observés, incidents, fissures, manque de main-d’œuvre qualifiée – au point qu’il a fallu appeler en renfort des soudeurs américains et canadiens – suscitent de sérieux doutes sur la capacité des centrales, existantes et à venir, à relever les défis en jeu.

Si la France doit en priorité s’affranchir des énergies fossiles qui comptent encore pour les deux tiers de nos sources d’énergie, la question reste posée du meilleur « mix » envisageable, c’est-à-dire de la part respective optimale des renouvelables et du nucléaire, lequel soulève des interrogations quant à son efficacité, à sa sécurité et à la dette morale envers les générations futures que représentent les déchets radioactifs. Rappelons, en outre, que nous sortons à peine d’une période où la production d’énergie nucléaire était si faible que l’on a frôlé des pénuries de courant. Et les délais pour satisfaire nos besoins (même tempérés par une recherche de sobriété) paraissent excessifs dans un contexte où l’urgence climatique, elle, n’attend pas. 

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