Le poète beat et héraut du Flower Power Allen Ginsberg est un atomiseur. Dans Hum Bom !, il nous alertait contre les dangers de la dissuasion nucléaire, à la manière de Kubrick dans Docteur Folamour. Ici, il dénonce les mensonges d’État après Tchernobyl. Qu’aurait-il écrit après la catastrophe de Fukushima ? 

Dans toute l’Europe les gens disent, « Qui sait ? »
L’asphodèle est joli mais l’an prochain qu’apportera la rose ?
Le chou sent bon mais ça dépend d’où vient le vent
Dans toute l’Europe les gens disent, « Qui sait ? »
 
L’Armoise atomique va polluer la mer : Révélation
D’Athènes à Oslo les nuages noirs ont éclairé les nations
Les champignons & le lait irradiés au césium peuvent créer des Mutants
Dans toute l’Europe les gens disent, « Qui sait ? »
 
Dans le parc de l’Institut Max Planck à Munich
Une suie invisible couvre mon front et mes bras
Tombée sur ma peau du haut du ciel, costume tout neuf
Dans toute l’Europe les gens disent, « Qui sait ? »
 
Réveil en Pologne, les feuilles d’érable jaunissent et tombent
Pas un nuage dans le ciel, c’est drôle qu’il fasse si froid
Dans la cour des gamins s’amusent tout nus
Dans toute l’Europe les gens disent, « Qui sait ? »
 
J’ai appelé le docteur, réponse officielle : « Tout va bien ! »
L’après-midi même il nous conseillait de prendre de l’iode
Trois jours après on révélait l’erreur de Tchernobyl
Dans toute l’Europe, les gens disent, « Qui sait ? »
 
On a abattu les rennes en Laponie, les Lapons sont au chômage
Le camembert est radioactif, à Zurich c’est l’or
Dans les Cotswolds les foires à moutons sont annulées
Dans toute l’Europe les gens disent, « Qui sait ? »
 
Si un litre d’eau vaut un rayon X dans l’État du Washington
Combien coûte un milk-shake dans les cafés de Minsk ?
C’est une année à pommes, il faut bien manger ce qui pousse
Si on ne bouffait pas du poison, on crèverait de faim, mon Frère, tout le monde le sait.

12 septembre 1986 (avec Steven Taylor)
Aéroport de Varsovie

Cosmopolitan Greetings, traduit par Yves Le Pellec et Françoise Bourbon © Christian Bourgois éditeur, 1996

 

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