La pandémie de Covid-19 a d’ores et déjà tué plus de 4,5 millions de personnes dans le monde. Elle sévit encore et amène à se poser la question du « monde d’après ». Paradoxalement le « monde d’avant », plus particulièrement l’histoire des grandes pandémies et de la façon dont les sociétés en sont sorties, peut aider à y répondre.

Les « sorties de guerre » furent un thème essentiel des recherches de ces dernières années, mais les sorties de pandémie ont jusqu’à présent beaucoup moins retenu l’attention. Il a fallu le choc mondial du coronavirus pour que l’on s’interroge sur ce que pourrait être le monde après un tel fléau.

Et pourtant… Les grands conflits ont fait moins de victimes que les grandes pandémies : ainsi, le bilan terrible de la Grande Guerre (10 millions de militaires tués et autant de morts civils) est en deçà de celui de la grippe espagnole de 1918-1919 – 50 millions de victimes selon les dernières estimations, certains chercheurs émettant même l’hypothèse d’une fourchette haute entre 50 et 100 millions, compte tenu des incertitudes persistantes concernant la Russie, la Chine, l’Empire ottoman ou l’Iran.

Et pourtant… Ces pandémies ont eu des conséquences majeures. La peste dite « de Justinien », qui a frappé tout le bassin méditerranéen à la fin du VIe siècle, a marqué la fin du monde antique, plus que la date traditionnellement retenue de la déposition du dernier empereur d’Occident par le chef barbare Odoacre en 476. Cette peste noire a resurgi au XIVe siècle, tuant plus 25 millions d’Européens entre 1347 et 1352, soit le tiers de la population d’un continent qu’elle a dévasté. Elle a fait autant de morts en Chine où elle fut l’un des facteurs de la chute de l’empire Yuan. Les pandémies récurrentes de choléra, fléau du XIXe siècle, furent à l’origine de l’hygiénisme et des premières politiques sanitaires. La grippe espagnole a renforcé ces politiques, préfigurant un État-providence qui ne se déploya vraiment qu’après la Seconde Guerre mondiale.

Peut-on parler d’une résilience des sociétés, après de tels chocs ? Dans quelle mesure celles-ci se sont-elles transformées ? L’impact le plus durable ne concerne-t-il pas surtout les imaginaires, comme le laisse à penser l’expression, encore couramment employée : « Choisir entre la peste et le choléra » ?

Il est trop tôt pour dire ce que sera vraiment la sortie de la pandémie actuelle. On entrevoit seulement le bout du tunnel, grâce à l’arrivée de vaccins, et peut-être, demain, d’un médicament efficace.

L’histoire, si elle ne permet pas de prédire, peut guider la réflexion, tant il est vrai, pour reprendre la formule de l’historien Patrick Boucheron, que « les ruines du passé ont aussi de l’avenir ».

Cela pose le problème de la confiance en l’avenir, condition indispensable à une résilience effective.

Cette confiance semble sapée par des complotistes, des antivax et des populistes, dérives souvent mêlées, qui ne sont pas nouvelles, mais qui bénéficient aujourd’hui d’une audience démultipliée par les réseaux sociaux.

Dans la réalité, la sortie de pandémie implique aussi une diffusion plus large de la vaccination dans le monde : actuellement, comme le soulignent le FMI et l’OMS l’inégalité vaccinale éloigne la perspective de cette sortie : 80 % des doses ont été administrées dans les pays riches et seulement 5 % dans les pays les moins avancés. 

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