Né en RDA, Volker Braun a vu « l’été de la convoitise succéder à l’hiver ». De quoi chercher ailleurs des solutions contre la pauvreté. Comuna 13 était un quartier de Medellín contrôlé par les gangs, c’est désormais une zone neutre, reprise en mains par ses habitants : pas la cité idéale, mais un lieu où vivre ensemble un peu mieux.  

J’apprends qu’à Medellín, ville tristement célèbre,
Où l’incommensurable pauvreté suppure sur des kilomètres
Le maire a fait construire dans l’inaccessible Comuna 13
Un gigantesque escalier roulant pour pas moins de 5 millions
Afin d’épargner à la racaille piétonne qui vit dans l’air raréfié
La montée des escaliers. […] Je les vois

Poser précautionneusement leur semelle sur les marches
Et, immobiles, s’étonner
Que cette échelle de fer les attende sans un mot
Et se conforme à leurs pieds.
Par je ne sais quel sortilège
Elle met en mouvement leurs corps légers, entre
Des murs de briques nus, par-dessus les toits en tôle ondulée
Que des pierres stabilisent. À l’improviste
En mille pas non accomplis, dans un silence de mort
Comme exposés sur le podium qui se déplace tout seul
Ils parviennent sans transpirer
Sans difficultés respiratoires à cette hauteur vertigineuse de 28 étages
Ou bien sont d’un bond transportés en bas
De la marge
Vers le centre. Quelle

Élévation hors de la fange ! Quelle simple journée
Semble commencer ! Minutes sans désespoir
Moments sans meurtre. […]
Que faut-il donc inventer,
Des constructions
Pour enjamber le dos rocheux de l’oppression
Ascenseurs, trappes pour engloutir la misère
Fantastiques soulèvements, extinctions
De toute injustice.

Volker Braun, Poèmes choisis, traduit de l’allemand par Jean-Paul Barbe et Alain Lance, Gallimard, 2018 © L’Oreille du loup

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !