Hors normes
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À première vue, la psychiatrie apparaît comme un lointain continent. Ce qu’on appelait autrefois la folie génère toujours un réflexe de peur et de distanciation. À cette nuance près que nous nous sommes progressivement familiarisés avec la maladie mentale et que nous savons que la bipolarité, la dépression, la boulimie ou l’anorexie – pour en rester à ces pathologies – peuvent concerner chaque famille. Le succès de la série En thérapie, même s’il s’agit de psychanalyse et non de psychiatrie, montre à quel point les questions qui relèvent du mal-être et de la santé mentale deviennent une préoccupation centrale. Sur un tout autre plan, la polémique suscitée par la décision de la Cour de cassation dans le dossier du meurtre sauvage de Sarah Halimi, exonérant son assassin d’un procès d’assises au motif qu’il a agi lors d’une poussée délirante, souligne à quel point cette discipline médicale est devenue un enjeu politique au sens large. De même que les premiers éléments de l’enquête sur l’assassinat d’une policière dans le commissariat de Rambouillet, qui indiquent que le terroriste souffrait de troubles d’ordre psychiatrique.
Si les maladies psychiatriques demeurent en grande partie méconnues et taboues, force est de constater que le sujet se rappelle constamment à nous. Les conséquences du confinement en sont une autre illustration : depuis plusieurs mois, la demande de soins explose, notamment chez les adolescents. Les professeurs de médecine Raphaël Gaillard, chef de pôle de l’hôpital Sainte-Anne à Paris, et Priscille Gerardin, responsable des unités universitaires de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (CHU/CH Rouvray), le confirment dans ce numéro réalisé en partenariat avec Le Nouvel Esprit public. À côté des grands délirants, ces malades potentiellement dangereux pour autrui et pour eux-mêmes, statistiquement peu nombreux, d’innombrables patients viennent chercher un soutien aux urgences psychiatriques qui peinent à satisfaire tout le monde.
Paradoxe, ce secteur souffre toujours d’un manque de considération et de moyens, même si son budget global représente l’un des plus gros postes de la santé publique en France comme le relèvent régulièrement les rapports parlementaires. Autre paradoxe, la psychiatrie reste encore pour partie cette scène retranchée du monde où l’on s’accommode d’usages anciens. L’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris en est un exemple. Nous publions dans ce numéro le reportage saisissant de Valentin Gendrot qui a travaillé dans cet établissement hors normes. Une immersion dans un « quartier général de la folie ». Une exception française en Europe.
« Les psychiatres ont l’habitude d’être des sous-mariniers de la société »
Raphaël Gaillard
« Une catégorie de patients a émergé, que nous ne connaissions pas, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas à ce jour inscrits dans un parcours de soins : des personnes qui étaient en relative souffrance mais compensaient, et qui dans ce contexte d’angoisse générale, ont décompensé et ont nécessité des…
[Folie]
Robert Solé
ON LES APPELAIT les fous. Ils faisaient rire, mais surtout très peur. Leur état ne pouvait avoir qu’une cause démoniaque et nécessitait donc une forme d’exorcisme. Quand les médecins se sont emparés du problème, c’était encore avec l’idée d’extirper du corps le mal qui l’habitait : saignées, vomi…
Immersion au quartier général de la folie
Valentin Gendrot
Auteur de Flic, un journaliste a infiltré la police aux éditions Goutte d’or, Valentin Gendrot revient dans le récit que nous publions sur sa première affectation aux urgences psychiatriques de la préfecture de police de Paris où il a passé quinze mois, et nous livre ainsi une plongée da…