Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, dont l’enfance et la jeunesse ont été bercées aux États-Unis, est un adepte de ce qu’on appelle outre-Atlantique la « doctrine unitariste ». Celle-ci repose sur une idée-force : le système démocratique tel qu’il est bâti, sur trois piliers – l’exécutif, le législatif et le judiciaire, dont l’indépendance est nécessaire – est inefficace et injuste. L’unitarisme prône que, le peuple souverain ne faisant qu’un, le gouvernement, qui est son émanation, doit dominer les deux autres pouvoirs. Dès lors, l’indépendance de la justice, in fine, devient une iniquité. Netanyahou a été éduqué dans cet esprit. Son père, Bension, était un fervent admirateur de Mussolini.

Netanyahou, qui a accédé au pouvoir une première fois en 1996, dirige son pays depuis plus de quinze ans, à l’exception de courts intermèdes. Il a progressivement bâti une alliance entre deux tendances de la classe politique : celle, dominante, des nationalistes du Likoud (L’Union, en français) et celle, montante, des « sionistes religieux », qui regroupent les forces messianiques. À partir du milieu des années 2010, il a commencé à mener une politique intérieure inscrivant l’ethnicité comme l’élément essentiel du système politique, en lieu et place de la citoyenneté. Cette phase s’est soldée avec ladite loi sur l’État-nation du peuple juif, votée en 2018, qui octroie la totalité des droits à la population juive, les citoyens non-juifs (à 99 % palestiniens) ne disposant que d’un accès partiel à ceux-ci.

Les responsables des institutions hier les mieux protégées valsent


Parallèlement, Netanyahou a engagé ses supporters à « réformer » la justice en amenant le Parlement à légiférer pour, en particulier, soumettre la Cour suprême, la plus haute instance juridique, au bon vouloir de ce dernier. Dans le même temps, il a développé un rapprochement avec tous les régimes ayant une démocratie défaillante – de la Russie de Poutine aux États-Unis de Trump, en passant par l’Inde de Modi et la Hongrie d’Orbán, auquel il vient de rendre visite alors qu’il est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) – ainsi qu’avec de nombreux dirigeants et partis qui ont fait de l’« identitarisme » leur cheval de bataille. Cette démarche a abouti, le 27 mars dernier, à une conférence « contre l’antisémitisme » qui réunissait les dirigeants israéliens et tout ce que l’Europe compte de responsables politiques d’extrême droite, Jordan Bardella et Marion Maréchal-Le Pen en tête.

En 2023, Netanyahou semblait en difficulté face aux centaines de milliers d’opposants mobilisés contre sa réforme judiciaire, mais, depuis la guerre à Gaza et le retour de Trump au pouvoir, ceux-ci se font désormais moins entendre. Et surtout, lois et décrets se multiplient pour imposer un contrôle de plus en plus serré de la population israélienne, et pas seulement de sa fraction palestinienne. Les médias critiques sont publiquement insultés et menacés par la majorité au pouvoir. Les manifestations réprimées avec une violence accrue. Les responsables des institutions hier les mieux protégées valsent, comme Ronen Bar, le chef du Shin Bet (renseignement intérieur), limogé par un Netanyahou qui a instantanément nommé son successeur alors que la Cour suprême le lui avait interdit. Trois jours plus tard, patatras, son remplaçant, Eli Sharvit, a lui-même été viré – il avait déplu à Donald Trump. Pour Netanyahou, la rebuffade est désagréable. Mais il a immédiatement annoncé qu’il nommerait un nouveau chef du Shin Bet avant la réunion prévue de la Cour suprême. Donald Trump peut faire congédier un ex-amiral israélien. Mais Netanyahou peut faire publiquement fi de sa Cour suprême. Et ça, chez lui, Trump ne le peut pas. Pas encore ?  

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