Docteur en pharmacie devenu patron d’une agence de communication, Jacques Séguéla avait amusé la galerie, en 1979, avec un livre joliment titré Ne dites pas à ma mère que je travaille dans la publicité… elle me croit pianiste dans un bordel. Ce faux coming out célébrait le métier sulfureux dont il allait être l’un des papes. Toujours habile à saisir l’air du temps, Séguéla a remis le couvert l’an dernier en publiant Le diable s’habille en GAFA, aux éditions Coup de gueule : une charge au vitriol contre les géants du numérique qui, dit-il, pillent nos données, favorisent la désinformation, pervertissent la démocratie et ruinent l’emploi. 

L’emploi ruiné ? Allons donc ! vous diront les jeunes diplômés qui entrent sur le marché du travail. Selon une récente enquête, ils privilégient les postes de sales engineer en machine learning chez Google, de senior hardware security analyst chez Apple, de marketing science partner chez Facebook ou de programmatic program manager chez Amazon. En d’autres termes, ils rêvent de s’habiller en GAFA.

Ne faisons pas à Séguéla l’injure de défendre son propre emploi, même s’il souligne avec horreur que 80 % de la publicité en ligne est désormais entre les griffes des « robots tueurs ». À 85 ans, ce « fils de pub » (titre d’un autre de ses livres) peut se permettre de dépasser le corporatisme. S’il appelle à « entrer en résistance » contre « les ploutocrates du numérique », c’est parce que ceux-ci cherchent à tout savoir sur chacun de nous, à exploiter nos données personnelles et finalement à contrôler nos existences. Mais qui est vraiment prêt à résister ? Suspendus à nos écrans, ne sommes-nous pas aussi complices que victimes de cette invasion ? 

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