Le 28 novembre 1972, peu après 5 heures du matin, un homme longe le mur extérieur de la prison de la Santé. Quelques minutes plus tôt, il a serré les dents en voyant la guillotine s’abattre coup sur coup sur Claude Buffet, qui avait tué une infirmière et un gardien pris en otage, et Roger Bontems, son complice, qui n’avait tué personne. L’homme qui marche est en proie à un tourment intérieur, une rage sûrement. Avocat de Bontems, il ne comprend pas cette peine capitale prononcée à l’encontre de son client qui n’a pas de sang sur les mains. Dans cette petite aube de novembre, son opinion sur la peine de mort devient une conviction. Il sera un abolitionniste acharné, intraitable. Il se battra aussi longtemps que la justice qu’il sert sera une justice qui tue. Cette cause va mobiliser son énergie une décennie durant, jusqu’à l’abolition de la peine de mort qu’il obtiendra le 30 septembre 1981, une fois devenu garde des Sceaux, quelques mois après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. La décision est historique. Et tardive. La France était la dernière dans la Communauté européenne à conserver la peine capitale.

Depuis l’exécution de Buffet et de Bontems, Robert Badinter – il s’agit bien sûr de lui – a arraché cinq condamnés à mort à la guillotine. En 1976, il a évité la peine capitale à Patrick Henry, meurtrier d’enfant, dont il révélera que quatre ans plus tôt, au procès de Troyes, il était dans la foule qui criait : « À mort Buffet ! à mort Bontems ! »… Après l’abolition, l’ancien avocat devenu ministre n’en parlera plus : pourquoi parler de quelque chose qui n’existe plus ? En revanche, avec ses homologues européens, il œuvrera pour que cette nouvelle législation soit irréversible en l’intégrant à la Convention européenne des droits de l’homme. Ce sera chose faite en 1985.

Par une singulière coïncidence des calendriers, c’est au moment où s’ouvre le procès des auteurs des attentats terroristes du 13-Novembre qu’on va commémorer les quarante ans de l’abolition. Une disposition irréversible, insiste Robert Badinter, sauf à envisager l’avènement d’une dictature en France, hypothèse fort improbable.

La suppression de la peine de mort n’est pas le seul legs de l’ancien garde des Sceaux à la justice et à la société.

C’est en vertu d’une loi de 1985 portant son nom que le procès qui commence à Paris sera intégralement filmé. Pour l’histoire. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !