Aviez-vous conscience que vous seriez, une fois nommé, au moins autant ministre des prisons que de la justice  ?

Je le savais et je connaissais l’état des prisons. Mais on n’imagine pas ce que j’ai découvert en tant que garde des Sceaux, ce qui paraît étonnant pour un homme qui depuis trente ans avait fréquenté la prison. Les situations s’avéraient encore plus douloureuses et plus inhumaines que je le croyais. Les avocats ne connaissent qu’une partie de la réalité. Quand vous allez visiter un détenu, vous le rencontrez au parloir, c’est le côté jardin, pas le côté cour. Vous ne voyez pas sa cellule, c’est lui qui vient vous voir au parloir des avocats. En revanche, vous recevez les confidences des détenus et celles des gardiens pendant que vous attendez que le client arrive. J’aimais parler aux gardiens, savoir comment les choses se passaient et j’avais par eux la révélation de problèmes considérables. Nous avons structurellement, en France, un problème de rapport avec la prison, avec les détenus, et une sorte de refus séculaire et collectif de régler la question.

Vous m’aviez dit un jour votre angoisse et le choc que vous aviez eu en découvrant cet univers pénitentiaire. Pouvez-vous nous dire un mot de ce choc et de cette angoisse ?

Oui, je me souviens très bien de cette venue en prison pour la première fois à l’âge de 23 ans. C’était au printemps 1951. J’avais de la prison une idée littéraire, et tout était si différent de ce que j’avais imaginé, non pas que ce fût une sorte de camp où régnait ostensiblement la violence, pas du tout, c’était, comment direun lieu extraordinairement bruyant. Ce fut ma première surpri

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