« Tu vois cet avocat ? » Oui, je le vois.

Son allure est vive et sa robe, trop longue et trop large pour lui. Il manque se prendre les pieds dedans.

« Dans sa sacoche, il balade la tête à Ranucci. »

Voilà l’expression du jeune homme qui m’accompagne. Avocat depuis seulement un an, la rumeur du palais l’a déjà atteint. « La tête à Ranucci » et pas la tête de Ranucci.

À, pour que je prenne bien la mesure de la grossièreté et de l’atrocité : une tête dans une sacoche au beau milieu des marbres de la justice. J’ai 25 ans et je suis pré-stagiaire, même pas sortie de l’école du barreau, plus débutante encore que ce novice qui m’éduque. Me Paul Lombard, lui, est vieux. Évidemment, je l’ai reconnu. À sa chevelure.

Et je m’interroge, comment pourrait-il porter la responsabilité de la mort de Ranucci alors qu’il était son défenseur ?

« Justement parce qu’il l’a mal défendu. C’est de sa faute si Ranucci a été guillotiné. »

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