C.K. Williams - « Racistes »
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« La Haine est le tonneau des pâles Danaïdes », écrivait Baudelaire. C.K. Williams partage avec le poète français le goût de Paris : le thérapeute américain s’y installe en 1986. Et, surtout, une empathie pour les victimes, qu’il exprime en de longs vers souples, adaptés aux soubresauts de la conscience. D’un geste, il fait ici un emblème de la menace raciste.
Va-t’en en Afrique ! hurla le boucher chez qui nous nous servions au marché de la rue Cadet,
hors de lui, à un Noir, au cours d’une dispute dont pour le reste le sens m’échappa
mais qui pendant trois ans m’obligea à courir une rue plus loin, dans une boucherie nettement moins bonne,
jusqu’à ce que je me persuade que j’avais dû mal comprendre et que je pouvais retourner chez lui.
Aujourd’hui un autre Noir s’est arrêté, pour demander quelque chose que de nouveau je n’ai pas saisi ;
et le boucher qui vidait sa rôtissoire, faisant glisser les poulets de l’épaisse broche,
a répondu – comment dire ? en brandissant d’un geste désinvolte mais précis le métal brûlant :
et l’autre, quel que fût son propos, a dû, subtilement, reculer un peu, pour ne pas broncher.
C.K. Williams, Chair et sang, traduit par Claire Malroux, La Différence, « Orphée », 1993 © La Différence
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