« Mon obsession est de savoir si j’ai encore mon libre arbitre »
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Comment s’est construit votre engagement en faveur de l’écologie ?
J’ai toujours aimé la nature, sans forcément à l’origine lui vouloir du bien. Mais un paysage ne m’a jamais laissé insensible. C’est dans mes fibres. Mon père passait des heures courbé au-dessus des roses pour en différencier les parfums. Cet amour de la nature et des grands espaces, je l’ai depuis longtemps. Bien avant cette université de la planète que fut pendant vingt-cinq ans mon émission Ushuaïa, je passais mon temps à monter des expéditions en Afrique, au pôle Nord… Pas pour la performance physique mais pour le plaisir d’être en immersion. C’était là que j’étais bien. J’ai découvert ma vraie nature. Ça n’a pas fait de moi un écologiste… J’ai même participé au deuxième Paris-Dakar, preuve que j’ai eu ma période d’insouciance où j’ai piloté toutes sortes d’engins pas toujours propres. Je ne la regrette pas. Ce qui me chagrinerait, ce serait de ne pas m’en être affranchi.
Comment avez-vous réalisé la gravité de la situation ?
J’ai graduellement pris conscience que l’irréversibilité des phénomènes se jouait dans un temps très bref. Au début de ma vie professionnelle, les grands espaces étaient un terrain de jeu. Ushuaïa m’a donné une approche visuelle et sensorielle de la vulnérabilité de notre écosystème et de notre dépendance à son égard. J’ai d’abord été animé par une approche environnementaliste : comme la nature nous séduit, on a envie de la protéger. Puis j’ai réalisé l’accélération des phénomènes qu’il fallait combattre et le décalage de cette approche avec la traduction concrète de la prise de conscience.
Vous dites avoir longtemps traîné cette image caricaturale du gentil animateur de télé qui voyage partout pour TF1. Vous étiez loin de posséder le savoir d’un universitaire.
C’est vrai, mais j’ai vu la diversité naturelle et culturelle de la planète avec une intensité unique. Pas en raison de mes qualités, mais par cette heureuse coïncidence de pouvoir bénéficier des moyens et de la liberté que me donnait un grand média. J’ai aussi profité d’un état du monde très particulier, où l’on pouvait aller quasiment partout, en Afghanistan, au Pakistan, dans des lieux aujourd’hui inaccessibles. Je vivais des moments de bascule, avec ce sentiment récurrent que j’arrivais juste à temps pour observer des cultures et des écosystèmes qui étaient là depuis la nuit des temps mais qui allaient s’éteindre. Ce sentiment était conforté lorsque, en retournant dans ces endroits cinq ans plus tard, je ne reconnaissais pas un massif forestier, une profusion de vie dans un lagon polynésien, ou l’habillement d’un peuple amazonien vu dans des tenues ancestrales et désormais vêtu à l’occidentale. J’ai compris que j’avais assisté à des moments charnières d’un processus d’homogénéisation culturelle extrêmement puissant et rapide. Le rapport de force de l’homme face à la nature changeait : on était passé de la hache à la tronçonneuse puis au bulldozer. Ma prise de conscience écologique s’est vraiment forgée là, car j’ai embrassé la planète des deux bras, avec la sensation de sa finitude et de son étroitesse.
Quelles leçons en avez-vous tirées pour l’avenir ?
J’ai surtout pris conscience de trois choses. D’abord, contrairement à ce que nous croyons, la vie dans l’univers n’est pas la norme. Elle est l’exception. J’ai réalisé qu’on vivait sur un seuil étroit de tolérance, avec une petite pellicule de quelques milliers de mètres au-dessus de notre tête pour respirer, et une mince pellicule d’humus sous les pieds. Ensuite, on a toujours cru que la norme était l’abondance, alors que la norme c’est la rareté. Enfin, on pensait que la puissance de l’homme était insignifiante à l’échelle de la planète. Or, on a constaté que l’homme était devenu une puissance géologique. C’était dit dans des livres mais, moi, je l’ai vu sur le terrain. Face à cette réalité terrifiante, vous pouvez vous dire que vous ne pourrez rien faire. Ou bien vous pensez à agir. Nous sommes mis en demeure de prendre en charge les conséquences de notre propre succès. C’est ça, le xxie siècle : on hérite de toutes les dettes du xxe siècle.
Je vois un autre facteur déterminant dans mes engagements : en quelques décennies, le monde s’est connecté, mais il ne s’est pas relié. Cela a nourri un faux espoir. On a pensé qu’en se connectant, le monde allait se mutualiser, qu’on allait réduire les inégalités et mettre des moyens en commun. Cela n’a eu qu’un effet : exposer les inégalités. On a ajouté à l’exclusion un élément explosif qui est l’humiliation. Dans ces humiliations, il y a l’injustice écologique et climatique. Les populations des Philippines qui subissent les typhons, celles qui en Afrique subissent la désertification connaissent très bien la relation de cause à effet avec les pratiques des pays rich
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