Un milliard. C’est le nombre d’animaux marins – coquillages et crustacés, notamment – décimés en quelques jours dans le nord-ouest de l’Amérique, terrassés par la vague de chaleur de début juillet et son mercure approchant les 50 degrés. Il y a deux ans ce sont des incendies géants, conséquence de la canicule estivale, qui avaient ravagé l’Australie et provoqué la mort ou la migration de trois milliards d’animaux, reptiles, oiseaux ou mammifères. Sous nos yeux impuissants, une vaste part de la biodiversité disparaissait, réduite à néant. Et les images de koalas prisonniers des flammes avaient ému le monde et alerté, à raison, sur la catastrophe. Mais le vrai désastre qui devrait secouer, c’est que ce genre d’hécatombe survient chaque jour, loin des caméras et des regards. Rachel Carson appelait « printemps silencieux » la disparition progressive des oiseaux occidentaux. Aujourd’hui, c’est dans ce même silence que s’éteint peu à peu le monde sauvage, partout sur la planète.

Il est loin, le temps où l’homme s’échinait à piéger le dernier dodo de l’île Maurice. La grande entreprise d’extermination a depuis changé d’échelle. Elle est, surtout, devenue hors de contrôle. Aux dégâts causés par la chasse, la surpêche, la destruction des forêts, les pollutions en tous genres, s’ajoutent désormais les effets du changement climatique, qui aggrave tous les périls précédents. Et si le déclin de la biodiversité a commencé dès le XIXe siècle, il ne fait aujourd’hui que s’accélérer : depuis 1970, la population des vertébrés a chuté de 68 %, selon une étude publiée par le WWF l’an passé. Les batraciens et les poissons désertent les mangroves, le ciel se vide de ses oiseaux et la terre de ses insectes. Quant aux mammifères sauvages, nos plus proches cousins, leur habitat continue d’être rogné par l’homme, décidé à les remplacer par des espèces autrement plus serviles. Dans la masse totale des mammifères sur la planète, la part de toutes les espèces sauvages, des souris aux baleines, ne représente désormais plus que 4 %. Adieu jaguars, buffles et éléphants. Bonjour veaux, vaches et cochons !

Dans ce premier numéro de notre série d’été consacrée à notre relation au monde sauvage, nous faisons le point sur ce processus de destruction. Pour en retracer les origines, les mécanismes multiples. Mais aussi pour en comprendre les conséquences sur nos écosystèmes et l’avenir de la planète. Selon le naturaliste Bruno David, président du Muséum d’histoire naturelle, nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une sixième extinction de masse, qui pourrait rayer jusqu’à 75 % des espèces de la carte. Ce n’est encore que le début, c’est vrai. Reste à savoir si on décide d’agir, ou de simplement s’en lamenter. 

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