Commençons par un constat : dans le domaine migratoire, Trump parle beaucoup mais, en réalité, il en fait peu – hormis rendre les États-Unis globalement moins amicaux envers les immigrés. Un exemple : les attaques de Trump visent essentiellement les Hispaniques et, dans une moindre mesure, les musulmans. Or, la principale vague de nouveaux immigrés, depuis 2012, est constituée… d’Asiatiques. Même si on compte des pauvres parmi eux, la proportion de gens aisés et diplômés chez ces immigrés est très supérieure à celle des Hispaniques. Mais quand il évoque les immigrés, Trump ne fait jamais référence aux Asiatiques.

Sur le plan de l’action réelle de Trump, il est difficile de dire si le nombre des entrants aux États-Unis, qui se situait entre 1 et 1,2 million par an depuis le début de ce siècle, a baissé sous sa présidence.

En fait, parmi les immigrés qui ne sont pas ou pas encore devenus citoyens américains, on distingue trois grandes catégories : la plus importante, ce sont les détenteurs de la « carte verte », qui légalise leur présence aux États-Unis pour dix ans et ouvre la porte à leur naturalisation. La deuxième réunit les bénéficiaires d’un permis de travail (le plus commun est valable trois ans et peut être renouvelé). La dernière est celle des sans-papiers : selon une étude récente de l’institut Pew, leur nombre n’a cessé de diminuer depuis 2008. On en comptait 12,2 millions en 2007, et seulement 10,7 en 2016, soit tout de même un quart de la population immigrée (tous ceux qui, Américains ou pas, sont nés étrangers à l’étranger). Trump, malgré ses rodomontades, n’a pas accéléré ce lent déclin. Le seul chiffre qui a réellement baissé est celui des entrées de réfugiés. Sous Obama, leur nombre avoisinait 80 000 par an. Il serait tombé à 30 000 aujourd’hui. Bref, les principales victimes de la politique migratoire de Trump sont ceux qui sont le plus dans le besoin. 

Par ailleurs, on prête à Trump divers projets. Le plus menaçant consisterait à réduire drastiquement le nombre annuel de ceux qui reçoivent une carte verte. C’est plus simple à réaliser, il suffit de raidir la politique administrative. Cette mesure pourrait avoir un fort impact. Cela dit, depuis sa victoire, la résistance de la société civile à la politique migratoire de Trump est très vigoureuse et ne faiblit pas. Cela ajoute à ses difficultés. Mais je me demande s’il entend vraiment expulser les sans-papiers. S’il le voulait réellement, il pourrait faire beaucoup plus. Il ne le fait pas car beaucoup d’entrepreneurs, mais aussi de gouverneurs d’États, sont hostiles à des expulsions massives pour des motifs économiques. La Californie, le Texas, l’Arizona ou le New Jersey en pâtiraient énormément. Le secteur high-tech américain serait, lui, paralysé.

Enfin, pourquoi Trump n’a-t-il pas engagé à ce jour la construction de son fameux « grand mur » sur toute la frontière mexicaine ? En fait, y tient-il réellement ? Son intérêt est que ce mur ne soit pas construit. Parce qu’il peut ainsi clamer que si les choses n’avancent pas, c’est la faute de l’opposition démocrate, du Congrès, des juges qui invalident ses décisions, etc., sans avoir à défenadre un bilan qui, au vu de ses objectifs, est en réalité très faible sur l’enjeu migratoire. Il y a fort à parier qu’il persévérera dans des actions spectaculaires mais sans grande portée globale, comme il le fait actuellement face aux réfugiés centraméricains. 

 

Propos recueillis par S.C.

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