Élégie pour Georges Pompidou
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On se souvient de Pompidou citant Éluard après le suicide de Gabrielle Russier. Et de sa très belle Anthologie de la poésie française, un best-seller. L’Auvergnat était ami avec Senghor depuis leur khâgne au lycée Louis-le-Grand. Quarante ans plus tard, de l’Élysée, il écrira à son ancien condisciple : « Nous voici tous deux chefs d’État. Quelle aventure ! »
Ami, si je te chante par-delà les haines de race, et delà les murs idéologies
C’est pour bercer l’enfant si blanc.
On l’a trouvé emmaillotté de souffrances, se débattant
Muet. Étrange enfant, jeune homme et homme plus étrange
Les cheveux noirs sur la peau pâle, avec tes yeux clairs sous les longs sourcils de brousse brûlée.
Si je te chante ami, c’est pour bercer mon enfant blanc dans son savoir et sa puissance
Sa solitude élyséenne. Il a besoin d’un camarade, qui lui tienne compagnie
Rien que de sentir son épaule dans la tranchée, la chaleur rythmée de son souffle.
Sans quoi toute parole est vaine.
Tu te rappelles dis, je me rappelle, notre dernier revoir
Sous le versant laiteux du jour, comme si souvent l’hiver à Paris.
J’avais besoin de toi, te voir : l’appel d’un songe.
Tu étais tombé du lit et, très blanc, doucement tu râlais
Muet. En vain tu cherchas les yeux de ciel bleu, ta joie, que si tendrement tu avais voilés.
Je te sentais maintenant dans la distance de l’au-delà.
Je te voyais sur l’autre rive, et à certains moments, haut si haut dans l’éther
Que j’avais bien de la peine à te suivre.
Soudain, tu revenais pour plaisanter ta « maladie », qu’ils disent.
Je jouais à ne pas savoir, nous jouions au qui perd gagne de l’amitié.
Extrait d’« Élégie pour Georges Pompidou », dans Élégies majeures
© Seuil, 1979
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