« Ne bougez pas, je vais vous épiler le sillon interfessier au chalumeau ! »

Dans la vie, tout est une question de confiance. Ainsi a-t-on confié l’intérêt général au système bancaire.

En 2008, j’avais 27 ans. J’avais entendu Alain Minc dire à la télévision qu’il n’y avait rien à craindre, que la crise économique était derrière nous. J’avais vu les journalistes autour de lui opiner du chef. J’avais vu les patrons de ces journalistes opiner du chèque.

J’avais également appris en discutant un soir dans un bar avec un trader qu’une de ses opérations boursières pouvait provoquer de la misère à l’autre bout du monde. Je lui avais demandé comment il vivait avec cette responsabilité. Je l’avais vu noyer son pathos dans le Jack Daniel’s et descendre aux chiottes sniffer ses angoisses de fils de PIB.

Quelques semaines plus tard, j’avais vu ces gens expulsés de leur maison. Des familles en pleurs, des enfants hagards, des vieillards ruinés après une vie de sacrifices. J’avais entendu pour la première fois de ma vie les mots « subprimes », « actifs toxiques ». De la bouche des politiques en place, j’avais entendu aussi qu’il n’y avait pas d’alternative, que le système était résilient, que pour combattre le libéralisme économique, il fallait plus de libéralisme économique. J’ai compris que le foutage de gueule avait un visage.

J’ai compris aussi que leurs mots, leur expertise, leur assurance, leurs concepts, brisent des vies, privent les gens de soins, en poussent d’autres au suicide. Que leur bilan est un bilan de guerre. Moins spectaculaire qu’un attentat mais bien plus meurtrier. Je l’avais dit. On m’avait répondu que je faisais le jeu du terrorisme. La vérité blesse. La réalité tue.

Puis, petit à petit, à mesure que l’on s’enfonçait dans cette crise, que le chaos était devenu l’horizon indépassable de leurs œillères, je les avais vu se pisser dessus. Se dire qu’ils avaient été trop loin. Trop fort. Alors je les ai entendus supplier. Faire des plans pour « sauver les banques ». Les mêmes qui considèrent l’assistanat comme la pire des menaces pour l’humanité faisaient la manche pour sauver leurs miches.

Alors j’ai vu les États complices renflouer ce système qui les méprise. Les contribuables payer pour les conneries d’enfants gâtés. J’ai vu les pauvres sortir de cette crise encore plus pauvres. Les riches plus riches. Je me suis rappelé cette phrase : « Si tu veux perdre à un jeu, joue avec celui qui a inventé les règles. »

Et si on arrêtait de jouer ? Et si on arrêtait de faire confiance ? Car compter sur les banques pour préserver le bien commun, c’est comme l’épilation au chalumeau, on finit toujours par avoir mal au cul. 

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