On nous dit de tous côtés qu’Élisabeth Borne a « dégainé le 49.3 ». C’est une image, bien sûr. Dégainer (issu de gaine) signifie tirer une arme blanche de son fourreau et, par extension, un pistolet de son étui. Lucky Luke, par exemple, qui tire plus vite que son ombre, dégaine avec une rapidité inouïe.

Le mot dégaine est plus sournois. À l’origine, il désignait l’action de dégainer. Mais, allez savoir pourquoi, il a pris le sens d’allure bizarre, voire ridicule. La dégaine d’un Mussolini, par exemple, posant au matamore avec force grimaces, était carrément grotesque.

Prenons maintenant le verbe rengainer. Une expression vient tout de suite à l’esprit : « rengainer son compliment » signifie y renoncer. La métaphore s’applique cependant à tout ce qu’on veut. Emmanuel Macron, par exemple, aurait pu rengainer sa réforme après avoir constaté qu’elle ne plaisait pas à grand monde.

Mais comment, de rengainer, est-on arrivé à rengaine, qui désigne un propos répété à satiété ? Les linguistes ne parviennent pas à l’expliquer de manière convaincante. Même le savantissime Alain Rey déclarait forfait sur ce point.

Au risque de paraître prétentieux, osons une hypothèse. Et si le langage populaire, par une sorte d’intuition, avait devancé la musique ? Et s’il avait depuis longtemps anticipé la Constitution de 1958 et subodoré le 49.3 ? Cet article diabolique a été employé 100 fois sous la Ve République, et à 28 reprises par le seul Michel Rocard ; chaque fois, il a provoqué les cris d’orfraie de l’opposition, qu’elle soit de droite ou de gauche. Encore et toujours la même rengaine ? 

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