Quelles sont les principales préoccupations des Européens ? De cette question apparemment simple, la diversité des réponses recueillies par BVA Xsight pour Arte permet de dessiner plusieurs Europe, selon des lignes de fracture qui recoupent en partie seulement la traditionnelle opposition Est-Ouest. Mieux : elles témoignent de nouvelles dynamiques sociales, politiques ou environnementales propres à chaque région, voire à chaque pays, en même temps qu’une hiérarchie fluctuante des besoins.

Ce sondage exceptionnel, mené dans les 27 pays de l’Union européenne, permet ainsi de dégager deux préoccupations majeures qui traversent aujourd’hui tout le continent : la santé, citée parmi leurs trois principales priorités par 41 % des Européens, et la guerre, par 38 % d’entre eux. Derrière, l’environnement et le pouvoir d’achat sont à égalité, à 24 %, devançant la sécurité (20 %), les taxes (18 %) et l’immigration (17 %). En queue de ces réponses, l’éducation ou la remise en question de la démocratie ne sont mises en avant que par 10 % des Européens. Ces moyennes continentales gagnent toutefois à être nuancées, en observant les tendances fortes dans certaines régions. La santé est ainsi mise en avant par des États aussi divers que la Grèce (61 %), l’Irlande (58 %) ou la Bulgarie (56 %), alors qu’elle est reléguée beaucoup plus loin par quelques-uns des pays les plus riches de l’Union. Le spectre de la guerre agite, lui, assez logiquement la façade est de l’Europe, voisine de la Russie. Il est ainsi cité en priorité par les Polonais (59 %), les pays baltes (49 à 56 %) ou encore les Tchèques (45 %).

Les autres catégories marquent des singularités encore plus nettes. La France est ainsi le seul pays de l’UE à placer le pouvoir d’achat en tête de ses préoccupations (40 %), alors que les Estoniens sont 49 % à se soucier du niveau d’imposition, les Irlandais 43 % à mettre en avant les questions de logement, et les Maltais 35 % à citer l’environnement. Parmi les autres curiosités, on peut également remarquer que les Slovaques sont les seuls à mettre sur le podium de leurs préoccupations les questions d’inégalité sociale, les Suédois le terrorisme, les Hongrois la démocratie, et les Grecs et les Espagnols le chômage. Quant à l’immigration, qui obsède tellement le débat public, elle n’est soulevée par plus d’un quart de la population que dans trois pays : l’Autriche, les Pays-Bas et l’Allemagne.

Un soutien à l’Ukraine sous conditions

Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, 62 % des Européens craignent que le conflit ne s’étende aux pays de l’Union. Ce sentiment est particulièrement fort au sein des pays proches géographiquement de la Russie, tels que la Pologne (74 % des citoyens expriment cette crainte), l’Estonie (70 %), la Finlande (67 %), mais aussi au Portugal (74 %) et en Italie (67 %). Seuls 30 % des Européens estiment que, face à une éventuelle attaque extérieure, l’Union européenne serait en mesure de se défendre avec les moyens militaires qu’elle possède à l’heure actuelle. Par conséquent, 60 % des Européens seraient aujourd’hui favorables à la création d’une armée européenne commune. La population de l’Union, dans sa grande majorité (63 %), reste néanmoins pacifique et préfère l’idée de maintenir des sanctions économiques contre Moscou (59 %) à celle d’envoyer des troupes armées en Ukraine pour combattre la Russie (22 %). Près des deux tiers des Européens se disent aujourd’hui prêts à négocier un cessez-le-feu avec Vladimir Poutine. Le soutien vis-à-vis du peuple ukrainien ne faiblit pas pour autant, 61 % des Européens estimant que l’Union doit renforcer son soutien à Volodymyr Zelensky, les Finlandais en tête (87 %), suivis des Portugais (86 %) et des Espagnols (78 %). Seuls 57 % des Français ont exprimé un tel souhait. Par ailleurs, 63 % de la population européenne est favorable à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union.

 

Un optimisme marqué à travers le continent

Malgré des préoccupations sociétales bien ancrées, les Européens se montrent globalement optimistes (73 %) quant à leur avenir d’un point de vue personnel. En tête du classement des pays les plus confiants figurent la Croatie (84 %), la Roumanie (82 %) et l’Irlande (82 %), la Lituanie (78 %) ou encore l’Espagne (77 %). Deux pays scandinaves se situent dans la moyenne européenne, avec 76 % de Danois et 73 % de Suédois optimistes, suivis de près par la Finlande et la France, avec 69 % de citoyens optimistes dans chacune de ces deux nations. À l’échelle européenne, seuls 22 % des citoyens se disent assez pessimistes vis-à-vis du futur, et 4 % très pessimistes.

 

Une sensibilité pour l’environnement au Sud

Est-ce le résultat des dernières années de sécheresses et de canicules ? C’est en tout cas au sud de l’Europe que l’on juge que l’environnement devrait être une priorité dans les années à venir. En tête de peloton, on retrouve ainsi Malte, où 63 % des sondés en font une priorité, l’Italie, le Portugal et Chypre (59 %), ou encore l’Espagne et la Grèce (57 %). À l’opposé, si 82 % des Européens jugent dans leur ensemble que le combat contre le dérèglement climatique est important, ils sont bien moins nombreux à en faire une priorité dans des pays traditionnellement plus froids. C’est le cas de seulement 15 % des Estoniens, 17 % des Lettons, 19 % des Tchèques ou 21 % des Lituaniens. Cette fracture se retrouve dans les changements de comportements pour limiter leur impact sur l’environnement, davantage revendiqués au sud de l’Europe que dans les pays d’Europe centrale ou en Scandinavie.

Si 60 % des Européens sont favorables à la réduction des pesticides dans l’agriculture, ils ne sont que 21 % à soutenir une taxation plus importante de l’essence – sans surprise, c’est dans les petits pays, Luxembourg ou Malte, que cette mesure est la plus soutenue. Quant à limiter le nombre de vols à l’intérieur de l’Union, la majorité des Belges, des Hollandais et des Allemands y sont favorables, tandis que les Tchèques y sont le plus hostiles.

 

Une fracture Est-Ouest sur l’immigration

Plus de la moitié des citoyens de l’UE voient l’immigration comme un « problème pour leur pays ». Mais cette moyenne dissimule une profonde fracture entre deux Europe. À l’Est, des pays très majoritairement hostiles à l’arrivée d’immigrés chez eux, avec un rejet particulièrement exacerbé en Bulgarie (74 %), en République tchèque (73 %) et en Hongrie (68 %). À l’Ouest, en revanche, le regard sur l’immigration est plus nuancé, y compris dans des pays devenus aujourd’hui les premières terres d’accueil des migrants venus d’Afrique, comme l’Espagne, où 39 % de la population seulement voient en eux un problème, ou encore l’Italie (44 %). En Europe de l’Ouest, seuls la Belgique et les Pays-Bas dépassent la moyenne continentale, ce qui n’exclut pas certains paradoxes apparents : les Portugais sont ainsi ceux qui sont à la fois les plus convaincus (50 %) que l’Europe a besoin d’immigration aujourd’hui, et les plus décidés à combattre plus fortement l’immigration illégale (91 %). À l’opposé, 90 % des Grecs jugent que leur pays reçoit trop d’immigrants, mais deux tiers considèrent que ceux-ci sont dans l’ensemble bien accueillis chez eux.

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !