Sourire jusqu’aux oreilles et regard malicieux, un enfant de 5 ans danse, les bras levés, sur une musique orientale. La vidéo de ce petit Afghan nommé Ahmad Sayed Rahman a été vue des centaines de milliers de fois sur Internet depuis le mois de mai. Ce moment de joie contagieuse s’est déroulé à l’hôpital de la Croix-Rouge à Kaboul ; ce que fêtait le petit garçon, c’était sa nouvelle prothèse de jambe droite. Estropié par un tir quand il était bébé et appareillé depuis, Ahmad peut à nouveau marcher normalement. À le voir danser, on réalise soudain : pouvoir marcher, quel bonheur !

Au seuil de l’été, vous êtes nombreux à prévoir des vacances comportant un peu, beaucoup, voire énormément de marche. Ce numéro apporte tous les ingrédients nécessaires pour être ou devenir des marcheurs – ingrédients mentaux, bien sûr : on vous laisse vous occuper de l’eau fraîche et des collations ! Si vous êtes parents, soyez attentifs : vous apprendrez en lisant l’entretien avec Martine Duclos, professeur de médecine, que les enfants ont jusqu’à 18 ans pour construire leur capital osseux – et que vous y pouvez quelque chose. Après leur éventuel stage de tennis, de foot, d’athlétisme ou de hip-hop, emmenez-les marcher. Et, surtout, sauter de rocher en rocher, dévaler des pentes, grimper aux arbres : chaque saut, freinage, accélération, rétablissement d’équilibre, apporte un renforcement de la masse osseuse ; quant à la marche, elle accroît l’endurance – laquelle a diminué de 20 % chez les enfants depuis trente ans. Pour les adultes et les seniors, ses bienfaits sont mieux connus, mais c’est quand même impressionnant de savoir que 30 minutes de marche quotidienne réduisent de 11 % les risques de mortalité, toutes causes confondues et à tout âge.

La santé vous rase ? Donnez une chance au rêveur ou à la rêveuse en vous. Le pas est automatique, il laisse l’esprit vagabonder. Le philosophe et grand marcheur Frédéric Gros décrit l’alchimie par laquelle, tandis que nous sommes assujettis à la contrainte physique de notre corps qui avance, notre âme se libère. Nietzsche, Nerval ou Hölderlin ont poussé l’expérience jusqu’à la folie ; Aristote, Kant, Rousseau – et Simone de Beauvoir – y ont ancré leur sagesse. L’homme est fait pour marcher, sa bipédie et son cerveau se sont renforcés l’un l’autre au cours de l’évolution. La bonne nouvelle est que personne ne pense plus, comme Jean Yanne dans les années 1970, que le piéton est une espèce vouée à disparaître ! 

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