La foule attend le Tour de France.
Ah ! quel tintamarre !
Ah ! quel pavé dans la mare !
Avec plus d’un quart d’heure d’avance,
Un petit gars tout seul
Pédale entre les tilleuls.

Il a le maillot, il a le maillot !
Le maillot bouton d’or, le maillot jaune !
Il a le maillot, la foule crie bravo !
Ça s’est fait dans un éclair
Au matin clair.

Tous les gros bras s’observaient, pas d’accord,
C’est alors qu’il a résolu le problème :
Il a bondi dans le décor
Sur son vélo faisant corps
Avec lui-même,
Le guidon vissé dans les paumes,
Un ultime effort.
Et voilà, c’est lui le plus fort.
Dans la clameur du vélodrome,
Les bras chargés de fleurs,
Il pédale tout en douceur.

Il a le maillot, il a le maillot !
Le maillot bouton d’or, le maillot jaune !
Il a le maillot, la foule crie bravo !
Lui sourit, salue de la main,
Mais le lendemain...

Le troupeau bariolé s’avance
Au coup de pistolet.
Ah ! Quelle envolée de mollets !
Dans le peloton qui s’élance,
Un petit gars prudent
Pédale en serrant les dents.

Il a le maillot, il a le maillot !
Le maillot bouton d’or, le maillot jaune !
Il a le maillot, la foule crie bravo !
Mais lui se dit : pour le garder
Ça va barder.

Dans les descentes c’est la grande émotion,
Et là-haut dans les cols le froid qui pince.
Oui, mais au bout quelle sensation
Quand on entend l’ovation du Parc des Princes !
Dans l’aube fraîche où rien ne bouge,
Cent corps brûlés de soleil
Dorment d’un profond sommeil
Et tous, même la lanterne rouge,
Rêvent qu’à Paris
Tout le monde se lève dans un cri.

Il a le maillot, il a le maillot !
Le maillot bouton d’or, le maillot jaune !
Il a le maillot, la foule crie bravo !
Et chante sur l’air des lampions
Pour son champion !

Il a le maillot, il a le maillot !
Le maillot bouton d’or, le maillot jaune !
Il a le maillot, vite à la maison
Pour voir son triomphe à la télévision !

 

Si le Tour a longtemps délié les plumes – il faut lire et relire Blondin, Chany, Bordas, Fournel, Nucéra, tant d’autres – et donné le jour à des montages enchanteurs – Vive le Tour ! de Louis Malle ou … pour un maillot jaune de Lelouch –, les œuvres de pure fiction qu’il inspira traînent la patte en queue de peloton.

Pendant les Trente Glorieuses, le maillot jaune déchaînait les passions et il fallait traire la vache à lait jusqu’à lui laisser les pis aussi vides qu’une lanterne rouge sur les Champs-Élysées. Ces romans de gare et films de seconde zone sentaient souvent le coup publicitaire. On en retrouve chez les bouquinistes comme ce San-Antonio fait un tour, une curieuse adaptation des aventures du Commissaire en bande dessinée.

Les modes ont passé mais le Tour continue son feuilleton en vingt et un épisodes par saison, tant et si bien que le cinéma s’est remis en selle. Il y a d’un côté des histoires bonhommes comme La Grande Boucle avec Clovis Cornillac en Poulidor d’un Tour plein de bons sentiments, de l’autre des enquêtes comme The Program, plus sombres, à l’image de Lance Armstrong et de ce cyclisme moderne, hermétique comme l’était déjà Maître Jacques en son temps.

Alors, les enfants d’aujourd’hui rêvent-ils du maillot jaune ? Avec un peloton où les protagonistes casqués sont aussi interchangeables que des Stormtroopers, rien n’est moins sûr. Il revient donc aux auteurs de fiction de se reprendre pour que nos rêves puissent compenser une réalité un peu trop policée. 

Foucauld Duchange

 

 

 

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