3 histoires extraordinaires
Objet d’un véritable culte, ductile et tactile, le maillot jaune fait avancer les hussards cyclistes au pas de charge. On veut le prendre, le serrer, le baiser. Malheur à celui qui, très logiquement désigné, n’aura pas cette joie comme cela s’est passé – une seule fois dans l’histoire – en 1949. Il arrive aussi qu’un humble serviteur s’empare fortuitement de la précieuse tunique, comme l’humble équipier de Coppi, Andrea Carrea, en 1952. Ou qu’un chien par la douceur alléché, se mette à voir la vie en jaune…Temps de lecture : 9 minutes
L’inconsolable Callens
Au départ de cette troisième étape du Tour 1949 entre Bruxelles et Boulogne, chacun pense qu’il va s’agir d’une étape dite « de transition » et que le Belge Roger Lambrecht, leader depuis la veille, va conserver son bien. La chaleur cause des ravages au sein du peloton. Mais, le temps de se mettre en jambes, deux de ses compatriotes faussent compagnie aux flâneurs après vingt kilomètres de course : Florent Mathieu, un chevronné, et Norbert Callens, jeune Flandrien passé professionnel quatre ans auparavant et qui a aussitôt remporté le Tour de Belgique. Mathieu et Callens entraînent dans leur sillage le champion de France de l’année précédente, César Marcellak, originaire de Westphalie et ancien mineur de fond.
L’étape compte 211 km et les trois hommes seront les héros d’une chevauchée fantastique, bondissant sur les trottoirs cyclables, se relayant, menant un train d’enfer. L’avance progresse : trois minutes, quatre minutes, huit minutes, neuf minutes à la frontière belge. Ils ne seront pas rejoints. Il est vrai qu’ils bénéficient de l’apathie du peloton qui les a laissés partir, ne prenant pas, à l’origine, leur fugue au sérieux. L’écart monte jusqu’à dix minutes. Dans le final, quelques contre-attaques viennent rogner ce généreux avantage mais la victoire ne doit se dessiner que pour l’un des trois héros du jour.
À Boulogne, sur un plateau battu par la brise marine de la Manche, Norbert Callens, ce bel espoir belge, ténébreux au visage émacié, réussit le doublé : victoire d’étape et maillot jaune. Callens est heureux. Son faciès ingrat est enfin devenu avenant. Il s’avance pour recevoir le trophée qui lui revient. Hélas, son soigneur, victime d’une étourderie, n’a pas prévenu Maurice, responsable du camion-atelier, que le maillot jaune allait peut-être changer d’épaule. Il restait persuadé, le bon Maurice, que le solide Roger Lambrecht allait le conserver un long moment. Patatras ! Le camion est parti emportant son lot de paletots et autres accessoires. Le maillot jaune est nu. Comment va-t-on faire pour distinguer le premier du classement général ? C’est la panique dans les rangs de l’organisation. Les officiels réclament le précieux emblème que doit remettre la chanteuse Line Renaud. Et Callens reste là, penaud, anéanti.
« Avec le maillot jaune, un coureur entre dans une histoire qui le dépasse »
Serge Laget
À quand remonte la création du maillot jaune ?
Au Tour 1919, qui est le Tour de la reprise dans une France meurtrie, souffrant d’un manque d’hommes et de matériel. En raclant les fonds de tiroir, le fondateur de la Grande Boucle, Henri…
Illusions perdues
Éric Fottorino
Sept ans de suite, on n’y a vu que du jaune. Sans réaliser que son maillot était tissé de fils noirs. La légende dorée d’Armstrong avait sa face sombre et cachée, à rebours du récit solaire qu’il nous servit complaisamment, et que la machine médiatique relaya avec sans doute la même complaisance,…
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