La gauche n’a pas disparu du paysage politique des Français, et 30 % environ de nos concitoyens souhaitent élire à l’occasion de la présidentielle de 2022 l’un de ses candidats. Mais c’est trop peu pour gagner, d’autant qu’il faut être capable de l’unifier autour d’un pôle dominant, ce que François Hollande avait réussi à faire en obtenant à lui seul 28,6 % des suffrages en 2012 dans un espace de gauche qui pesait alors 43,7 %. Pourquoi n’est-elle pas plus forte et plus crédible aujourd’hui ? Pour quatre raisons au moins.

Certes, il existe des enjeux puissants qui fédèrent les gauches et, notamment, la question des inégalités ou encore ­l’attachement au service public, à la santé ou à l’éducation. Mais la gauche n’est pas seulement en proie à des rivalités de leaders, elle est aussi profondément divisée sur des sujets de fond : l’Europe, le rapport au libéralisme et au degré de rupture qu’il faudrait avoir avec le capitalisme, la fiscalité, la place de l’écologie dans ce que doit être le modèle de croissance de demain, la question du rapport aux minorités ou à l’islam, les questions de genre, de racisme, etc. Sur ces sujets, des divergences profondes existent qui font qu’un électeur de gauche peut opter aussi bien pour la France insoumise que pour le PS, pour les écologistes, voire pour Macron. D’où un éclatement sur le plan électoral qui projette une image ­d’impuissance tout en renvoyant à de réelles divergences.

La deuxième difficulté de la gauche est le sentiment qu’elle donne, au-delà de ses divisions, de ne pas parvenir à prendre en compte et à penser des questions de fond qui taraudent la société française en proposant des solutions innovantes et qui lui seraient propres : l’insécurité, l’immigration, la compétitivité des entreprises dans un monde menaçant et toujours très concurrentiel, l’ascenseur social à la peine, la question du déclin de la France, pour ne prendre que quelques exemples. En estimant que ces ­thématiques sont de droite et que leur place élevée dans les préoccupations provient d’un glissement à droite de la société française, la gauche ne comprend en réalité pas que c’est une partie de ses électeurs historiques qui l’ont quittée car elle ne prenait pas en compte ces thèmes. Et ce n’est pas une simple posture d’écoute des Français et de leur ressenti qui suffira à les rassurer sur sa capacité imaginative.

La troisième raison est évidemment l’absence d’un leader fort capable de fédérer au moins en partie ces différences de sensibilité et d’approches, lesquelles sont, en réalité, le lot de toute formation politique, qu’elle soit de gauche ou de droite. L’une des fonctions du leader est d’indiquer la majeure et la mineure d’une ligne idéologique et de faire des différences de sensibilité une richesse plutôt qu’une faiblesse. Or, Jean-Luc Mélenchon est affaibli depuis son très haut score de 2017 ; les écologistes, pourtant en progression, se divisent sur le cas Jadot et sa stratégie, et leur primaire n’aura lieu qu’en septembre. Le PS, enfin, n’a pas de candidat déclaré et attend la décision d’Anne Hidalgo sans avoir pour autant beaucoup d’autres leaders en réserve, contrairement à la droite.

Dans un tel contexte, la gauche ne parvient pas à imposer dans l’agenda médiatique son terrain de jeu et ses propres thématiques. Elle subit, tout simplement, et donne l’impression de globalement répéter ce qu’elle disait il y a déjà plusieurs années. C’est pourquoi aujourd’hui 16 % seulement des Français pensent que Mélenchon ferait mieux que Macron, 14 % s’agissant de Jadot ou d’Hidalgo. Même chez les électeurs de gauche, 40 % seulement pensent que Mélenchon ferait mieux et, chiffre élevé, 33 % moins bien, 38 % et 21 % s’agissant de Jadot, 37 % et 19 % s’agissant d’Hidalgo. Si l’on tient compte des « ni mieux ni moins bien », le ­scepticisme est donc largement majoritaire. Avant de convaincre les Français, la gauche doit donc convaincre les siens. Sa ­faiblesse actuelle est avant tout une faiblesse d’idées. 

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