Quand il compose son Chant général, Pablo Neruda vit en fugitif. Sénateur communiste depuis 1945, il a été accusé de trahison à la patrie par le président chilien Gabriel González Videla. C’est dans la ­clandestinité qu’il écrit cette ode au Parti, pénultième poème d’un livre né de la colère, qui trouve sa force de pierre ­pensive dans la joie des mains rassemblées.  

 

Tu m’as donné la fraternité envers celui que je ne connais pas.
Tu as ajouté à mon corps la force de tous ceux qui vivent.
Tu m’as redonné la patrie comme par une autre naissance.
Tu m’as donné la liberté que ne possède pas le solitaire.
Tu m’as appris à allumer, comme un feu, la bonté.
Tu m’as donné la rectitude qu’il faut à l’arbre.
Tu m’as appris à voir l’unité et la variété de l’homme.
Tu m’as montré comment la douleur de l’individu meurt avec la victoire de tous.
Tu m’as appris à dormir dans les durs lits de mes frères.
Tu m’as fait bâtir sur la réalité comme on construit sur une roche.
Tu m’as fait l’adversaire du méchant, tu m’as fait mur contre le frénétique.
Tu m’as fait voir la clarté du monde et la possibilité de la joie.
Tu m’as rendu indestructible car grâce à toi je ne finis plus avec moi.

Chant général, traduit de l’espagnol (Chili) par Claude Couffon
© Éditions Gallimard, 1977

 

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