« L’évolution générale porte notre pays vers un équilibre nouveau. L’effort multiséculaire de centralisation, qui lui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais.

Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain. Or, dans l’Hexagone fameux où l’histoire et la géographie ont placé l’essentiel de la substance française, la région du Rhône et des Alpes comporte, tout justement, d’exceptionnelles conditions de progrès.

Cela tient, d’abord, à tout ce qui, d’ores et déjà, s’y trouve à l’œuvre, quant aux usines, ateliers et métiers, quant aux sources d’énergie, quant aux activités de pointe, quant aux ressources agricoles, forestières et touristiques, quant aux idées et découvertes issues des facultés et des laboratoires. Cela tient, ensuite, à la belle et bonne Saône et au Rhône fort et bouillonnant dont le sillon forme, d’un bout à l’autre, un axe unique et direct. Cela tient, encore, au fait que cette grande communication, prolongée, d’une part, par le cours du Rhin dont aucun obstacle considérable du relief ne la sépare et débouchant, d’autre part, vers ­Marseille, est naturellement désignée comme la principale artère par laquelle l’Europe moderne va relier les mers du Nord à la Méditerranée. Cela tient, enfin, aux parcours plus commodes et plus rapides qui, à mesure que l’on parvient à traverser les massifs alpins, peuvent joindre entre eux les bassins du Rhône et du Pô. 

Certes, pour aménager en conséquence les fleuves, les canaux, les routes, les tunnels, les centres de production du territoire, il faut un grand effort français. Mais cet effort est en cours. La construction de l’autoroute qui s’achève entre ­Dijon et la côte, l’électrification accomplie des chemins de fer, l’ouverture prévue, à Satolas, d’un aérodrome de première classe, les gigantesques travaux entrepris pour rendre le Rhône navigable en tout temps aux péniches de 1 300 tonnes... tout récemment, par exemple, l’écluse de Pierre-Bénite, le percement du Mont-Blanc terminé en 1965, le démontrent avec éclat. Cela fait, il va falloir relier directement la voie fluviale de la Saône et du Rhône à celles du Rhin et de la Moselle et, en même temps, forer l’Épine et le Fréjus. Sans doute, notre Ve Plan devra-t-il comporter les décisions nécessaires. Car, ce qui a été accompli ici le fut parce que les initiatives et les réalisations dues aux valeurs et aux capacités lyonnaises, et tout d’abord aux vôtres, monsieur le maire (Louis Pradel), ainsi que les avis et les projets fournis aux pouvoirs publics, à l’échelon régional, par la Commission de développement économique régional où se déploie, monsieur le président (­Antoine Pinay), votre éminente expérience, se sont heureusement conjugués avec les desseins que l’État poursuit au service du pays tout entier. Ce qui reste à faire doit être fait dans la même féconde harmonie.

Harmonie qui est féconde parce qu’elle est nationale. Tandis que notre unité profonde est, désormais, bien assurée, la transformation qui tend à mieux répartir toutes nos activités sur toutes les terres de notre peuple avive, du même coup, toutes les sources de notre existence. Mais aussi, chacune des régions qui sont bordées par notre frontière nous met tous, à mesure de son propre développement, en relation plus directe et plus étroite avec l’extérieur. C’est vrai pour le Nord par rapport aux pays belge, néerlandais, luxembourgeois, qui l’avoisinent ; pour la Lorraine et pour l’Alsace vis-à-vis de l’ensemble rhénan ; pour la Franche-Comté au contact de la Confédération helvétique ; pour la Provence et le Languedoc à l’égard du monde méditerranéen ; pour l’Aquitaine qui touche à la péninsule Ibérique ; pour la Bretagne plongeant dans l’Atlantique ; pour la Normandie à portée des îles Britanniques. Combien est-ce vrai aussi pour la région rhodanienne prolongeant le bassin du Rhin et limitrophe de l’Italie et de la Suisse ! 

Or, le fait est que notre pays, redevenu maître de lui-même, n’en est que plus disposé à la coopération, notamment dans le domaine économique dont, désormais, tout dépend. » 

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