Le metteur en scène italien Leo Muscato a eu la riche idée de modifier la fin de Carmen. « À notre époque, marquée par le fléau des violences faites aux femmes, il est inconcevable qu’on applaudisse le meurtre de l’une d’elles », a-t-il justement déclaré. C’est donc la mort d’un homme que les spectateurs applaudissent : au lieu d’être poignardée par le brigadier Don José, l’héroïne tire – et tue – son ancien amant pour se défendre.

Muscato a également transposé le récit dans un camp de Roms des années 1980 occupé par des forces de l’ordre en tenue antiémeute. Exit donc l’usine de cigarettes où Carmen travaillait comme ouvrière. En 2014, l’œuvre de Bizet avait été retirée de l’affiche de l’opéra de Perth en Australie, car elle faisait l’apologie du tabac.

Muscato a mérité les éloges d’Olivier Py, le pape d’Avignon, qui lui-même avait précédemment modifié la fin de Carmen pour des raisons similaires. On nous permettra cependant de remarquer que l’opéra le plus joué dans le monde laisse encore beaucoup à désirer. Il y est question d’un toréador (malgré la cruauté de la tauromachie) et d’une taverne (sans préciser que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé). Par ailleurs, Muscato n’a-t-il pas péché par appropriation culturelle ? De quel droit montre-t-il des Roms alors qu’il est italien ? Et pourquoi Michaëla, la fiancée de Don José, est-elle blonde ? Le metteur en scène ignorerait-il que la blanchitude est inhérente à la racialisation des rapports sociaux ? Il aurait dû s’attaquer à une œuvre moins complexe, comme Cyrano de Bergerac. Là, il n’aurait eu qu’un nez à supprimer pour ne pas offenser la communauté des grands pifs. 

 

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