Exploitation sexuelle, travail forcé… Les chiffres sont accablants, les récits déchirants. L’esclavage n’était plus pourtant, dans notre esprit, que des métaphores.

En 1832, des ouvrières saint-simoniennes mettaient leurs économies en commun pour créer une petite revue, La Femme libre. Dénonçant la misère et la prostitution, mais aussi les aberrations du Code civil à propos du mariage, elles proclamaient : « Le célibat plutôt que l’esclavage ! » 

Des peuples colonisés se sont également approprié cette notion pour fonder leur révolte. Et, avec Marx, des prolétaires exploités : accepter de travailler aux conditions fixées par les patrons conduirait à un servage contractuel, « un esclavage salarié ».

Mais ce mot a cent autres emplois métaphoriques, liés à l’idée de dépendance. On est esclave de la cigarette, de l’argent, de son smartphone, de son chat, de ses habitudes, de ses passions… Sans compter les dépendances célébrées ou sacralisées : un bourgeois se dit esclave de son devoir, et un poète de son amour ; un chrétien s’affirme libre comme saint Paul parce qu’étant « esclave du Christ », et un musulman s’honore d’être prénommé Abdallah (« esclave de Dieu »)…

En 2013, le géant du prêt-à-porter espagnol Mango lançait une ligne de colliers et bracelets intitulée « Esclave ». Cela a provoqué un tollé, et il a fallu les rebaptiser. « Pourquoi pas un pyjama Auschwitz ? » demandait une internaute indignée. On ignore ce qu’en ont pensé les jeunes filles kidnappées puis vendues sur les marchés aux esclaves d’Irak ou du Nigeria, sans bijoux ni métaphores. 

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