Et si le XXIe siècle était celui de l’abolition universelle de la peine de mort ? Surprenante ou paradoxale pour beaucoup, cette interpellation est très sérieuse. Il suffit de jeter un coup d’œil au planisphère publié dans le poster de ce numéro pour constater que le nombre des États abolitionnistes est aujourd’hui largement majoritaire au regard des États qui continuent de condamner à la peine capitale et d’exécuter. Ce sont bien 146 pays qui ont choisi, de jure ou de facto, l’abolition contre 52 qui recourent au châtiment suprême. Et chaque année, le camp des abolitionnistes se renforce. Pour mesurer la puissance de ce mouvement de fond, remarquons qu’en 1948, lors de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme à Paris, seules 19 nations avaient renoncé à la peine de mort. Il ne s’écoule pas une année, depuis cette date, sans que plusieurs États ne rejoignent les abolitionnistes. Ainsi de la Sierra Leone, du Kazakhstan, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de la Centrafrique, de la Guinée équatoriale et du Chili pour 2021 et 2022.

Seul bémol, mais de taille, quatre des pays les plus peuplés du monde – la Chine, l’Inde, les États-Unis et l’Indonésie – conservent la peine de mort dans leur arsenal répressif. Mais les associations et les organismes internationaux engagés observent que la courbe du nombre des exécutions va diminuant. Nul État n’ose aujourd’hui les revendiquer comme la marque d’une avancée. Année après année, les bourreaux se voient relégués à d’autres tâches. Le phénomène est spectaculaire : nous sommes passés de 3 048 prisonniers exécutés en 2001 à 483 en 2020, sachant qu’il faut garder à l’esprit l’opacité de la Chine quant à son usage de la peine capitale. La raison commande bien sûr de ne pas se satisfaire de cette décélération et de vouloir l’amplifier. C’est tout le sens du vieux combat abolitionniste.

Pour mieux en comprendre les défis, nous vous proposons ce numéro réalisé en partenariat avec l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM). À l’occasion de son huitième congrès mondial, qui se tient à Berlin du 15 au 18 novembre, tous les acteurs de cette lutte – diplomates, avocats, juristes, élus, militants, etc. – vont faire le point, partager leurs expériences et réfléchir aux moyens de faire reculer cette « pratique cruelle » – l’expression est celle des Nations unies. Ce rendez-vous sera aussi la possibilité de se convaincre de ce que le XXIe siècle sera bien le siècle de l’abolition universelle, selon le vœu incandescent de Robert Badinter, président d’honneur d’ECPM. 

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