Colère, ressentiment, désorientation, prise d’otage psychologique, stress et anxiété. Les mots ne manquent pas pour tenter de cerner ce que les Français ont éprouvé depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et les deux tours des élections législatives qui ont soufflé le froid au premier tour, sans rétablir, loin de là, le beau fixe après le second. Notre pays s’est comme enfiévré, la classe politique perdant tous ses repères en voyant se profiler de nouvelles règles du jeu, celles des compromis et des coalitions, dans un contexte où le Parlement redeviendrait une force à part entière.

Mais une fois retombées – en partie seulement – les poussières et scories du combat électoral, une fois rentrées dans leur lit les peurs et les angoisses (jusqu’à quand ?), ce qui domine est avant tout l’envie, pour ne pas dire le besoin, d’un profond apaisement. Comment se remettre d’accord ? Comment se reparler ? Comment retrouver la confiance ? Comment guérir collectivement les maux d’un pays au bord de la crise de nerfs. Pays bloqué au sens où il y a désormais trois blocs antagonistes. Pays si fissuré, dans une démocratie abîmée, qu’il cherche à tout prix à se réparer. Pas seulement dans ses pratiques délibératives, qui devront être revivifiées, ou dans ses règles électorales, qui réclament plus que jamais le scrutin proportionnel, comme le suggère le politiste Vincent Martigny. C’est la vie même des Français, la vie des gens, des plus modestes en priorité, mais pas seulement, qu’il faut rendre plus simple, plus douce. En un mot plus vivable.

Comment ? Les auteurs conviés dans ce numéro du 1 hebdo tracent chacun des lignes de force qui convergent autour d’un mot d’ordre : cap vers le social. En particulier, la refondation en profondeur des services publics et l’amélioration rapide du pouvoir d’achat, dit l’essayiste et haut fonctionnaire David Djaïz, la vitalité accrue des lieux de sociabilité et du tissu associatif, ajoute en écho Jérémie Peltier de la Fondation Jean-Jaurès. Pour la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, « il faudra trouver assez rapidement les enjeux communs sur lesquels on pourra rebâtir une confiance réciproque ». Elle s’interroge ainsi sur la nécessité de rouvrir le dossier des retraites « pour créer un consensus autour de la réforme de notre système, et dès lors restaurer un peu de cette confiance démocratique perdue ». Il serait dommageable qu’au bout de cette séquence douloureuse on se dise : tout ça pour ça ! Au temps du Covid, le sociologue Bruno Latour avait eu cette formule : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise. » Alors, oui, il ne faut surtout pas gâcher ce que l’électrochoc électoral de ce début d’été aura provoqué. Pour que l’apaisement devienne pour longtemps notre horizon collectif. 

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