Ils étaient ensemble sur la photo : le père, Nidal Al-Sékali, un chômeur de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, âgé de 30 ans ; son épouse, Islam, 25 ans, voilée de la tête aux pieds, et leurs triplés, deux garçons et une fille, qui étaient nés quelques semaines plus tôt. Les actes d’état civil, posés sur les nourrissons emmitouflés, indiquaient leurs prénoms en arabe : Al Qods (Jérusalem), Assima (Capitale) et Falastine (Palestine). C’était en février 2018, peu après la reconnaissance officielle par Donald Trump de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. La décision américaine avait provoqué des heurts quasi quotidiens dans les territoires palestiniens, notamment à Gaza où le Hamas avait exhorté la population à une « nouvelle intifada ». Répondant aux jets de pierres et aux tirs de roquettes, des frappes de représailles israéliennes avaient fait plusieurs morts et de nombreux blessés. On enterrait les « martyrs », tandis que la vie continuait, ponctuée par les premiers vagissements dans les maternités de Khan Younès et d’ailleurs.

Quel prénom supplémentaire ce couple de Gazaouis aurait-il choisi si le Tout-Puissant l’avait gratifié, non pas de triplés, mais de quadruplés ? Probablement un adjectif. Les actes de naissance, placés côte à côte, ne se seraient pas contentés de répliquer à Donald Trump. Ils auraient exprimé une impatience, une douleur, une espérance ou une désillusion. Jérusalem, capitale (officielle, éternelle, indivisible, sacrée, usurpée…) de la Palestine (oubliée, meurtrie, chérie, occupée, reconstituée…) Des quatre prénoms, c’est sans doute celui-là qui aurait été le plus lourd à porter. 

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