Les spots publicitaires de l’Agence de la transition écologique (Ademe), en pleine période de rabais, n’ont pas fait rire les commerçants. On y voyait des « dévendeurs » dissuadant les clients et leur conseillant de se tourner plutôt vers la location, la réparation ou l’acquisition d’articles de seconde main. Cette campagne (de déconsommation ? de dégaspillage ?) a été dénoncée avec d’autant plus de force par la profession qu’elle risquait de conduire à des désemplettes de Noël. Bruno Le Maire a pris le parti des commerçants, de crainte de passer pour le ministre de la Déséconomie.

L’Ademe n’a pas mesuré les dangers du préfixe « dé- », qui suggère aussi bien la négation que la privation, la cessation ou la destruction de quelque chose. En mettant en scène des « dévendeurs », cette agence publique a été assimilée aux partisans de la décroissance économique. Lesquels sont qualifiés d’idéologues incompétents ou de sympathiques rêveurs. Ils se défendent pourtant de vouloir nous ramener à l’âge de pierre. Notre projet, disent ces objecteurs de croissance, ne consiste pas à revenir en arrière ni à se serrer la ceinture ; le but n’est pas de faire la même chose en moins, mais de faire tout autre chose.

Il n’empêche que le mot « décroissance » agit comme un repoussoir. Le citoyen lambda, qui n’est pas prêt à renoncer à son confort, lui préfère largement l’idée rassurante de croissance verte : on produirait plus en polluant moins. Ce que les militants écologistes radicaux considèrent comme une illusion, une chimère. Ils tiennent, eux, à leur préfixe négatif. Pour se faire entendre, ils devraient peut-être habiller le concept d’un adjectif séduisant, comme le font les défenseurs de la « sobriété heureuse ». Une décroissance désensorcelée… 

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