Au moment où vous déplierez ce numéro, il est possible ou probable (que de prudence pour dire notre avenir politique !), qu’un Premier ministre, homme ou femme, aura été nommé à Matignon pendant le week-end. Il y a peu de chances en revanche qu’un gouvernement soit composé, compte tenu des compromis auxquels la personne désignée devra se plier pour que ses choix reflètent le plus fidèlement possible le verdict des urnes du 7 juillet, sous la houlette d’un président peu enclin à s’effacer.

Compromis, voici le mot. Un gros mot, comme a pu le dire naguère Laurent Berger, qui explique dans un long entretien au 1 – sa première grande prise de parole depuis fin juin – pourquoi cette pratique est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. Exercice difficile, à l’évidence, dans une société française qui se targue d’une histoire révolutionnaire exaltant la radicalité. Mais Laurent Berger distingue avec clairvoyance la fermeté des positions et la souplesse pour construire à plusieurs des solutions. Le processus dût-il être long. Qu’on interroge ce praticien de la négociation ou la pensée de philosophes – tel Paul Ricœur, dont François Dosse explicite la pensée dans ce numéro –, le compromis n’est en rien une compromission. Il serait erroné d’y voir une pratique molle confinant au renoncement, c’est au contraire une dialectique grâce à laquelle des positions contraires peuvent trouver un point de convergence, jamais idéal, toujours partiel, mais permettant à chaque partie d’avoir gardé son cap. « On accepte ce que l’on pense obtenir de mieux dans la direction que l’on souhaite », précise la sociologue Dominique Schnapper. Le compromis serait en somme la pire des solutions, excepté toutes les autres…

Nous avons assisté au spectacle déprimant donné par un ingénieur du chaos égotiste, Emmanuel Macron, qui n’admet pas sa faiblesse, un pompier pyromane

La séquence politique que nous vivons depuis la dissolution de juin montre que les Français se sont révélés plus ouverts au compromis que leurs dirigeants. Pour des raisons propres à leurs calculs, intérêts et postures, ni le chef de l’État, ni la gauche – en tout cas la plus radicale –, ni la droite républicaine n’ont avancé dans le sens d’un consensus attendu par les électeurs pour remettre la France sur la voie des réformes sociales. Nous avons assisté au spectacle déprimant donné par un ingénieur du chaos égotiste, Emmanuel Macron, qui n’admet pas sa faiblesse, un pompier pyromane, Jean-Luc Mélenchon, qui veut un jour appliquer tout le programme de son camp sans discuter, le lendemain destituer le président, et propose un autre jour le soutien sans participation. Sans oublier les tartuffes à la Laurent Wauquiez, trop occupés de leur avenir personnel en 2027 pour penser à la France de 2024. Les Français, la dernière enquête Ipsos-Le Monde en témoigne, jugent très sévèrement M. Macron comme l’ensemble du personnel politique. Il y a urgence à agir. Sans compromis réel et sincère de nos instances dirigeantes, c’est bien le calme de notre pays, et sa paix sociale qui, à la première étincelle de mécontentement, seront compromis.  

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