Comment résonne en vous cette question du « revivre-ensemble » ?

J’ai la sensation que mon métier pose quotidiennement cette question. Un rideau qui se lève, au moment où il se lève, c’est l’aveu que nous sommes tous vivants au même endroit en même temps. Cet aveu-là est particulier au théâtre, avec un rassemblement face à une œuvre. Au-delà de ce que raconte la pièce, c’est un bout de vie partagé en commun. Comment revivre ensemble est relié à ce moment particulier. Pendant la période du confinement, je me suis dit que nous devrions partager des objets de culture vivante qui ne sont pas simplement du divertissement, mais l’expérience d’une réalité imaginaire à laquelle nous adhérons collectivement le temps d’un spectacle.

C’est ainsi que vous vous êtes retrouvé à jouer la scène du balcon de Roméo et Juliette… sur votre balcon. Pourquoi ?

C’était au début de la crise, en plein désarroi. J’étais sur mon balcon. Je voyais les fenêtres allumées. Je me disais que derrière chaque fenêtre se tenaient des gens qui, comme moi, ne pouvaient pas sortir de chez eux. En regardant mes pieds, je me suis dit que ce balcon pourrait ressembler à une petite scène. Et que ces familles derrière les fenêtres seraient des spectateurs.

Que s’est-il passé ?

Mon conjoint, qui n’est pas acteur, jouait Juliette à l’étage du dessus. Moi, je jouais Roméo à l’étage du dessous… J’avais un trac fou. Je joue d’habitude devant des spectateurs qui sont d’accord, qui ont acheté un billet. Là, j’allais imposer quelque chose. Au fur et à mesure de ces dix minutes de jeu, les gens sont arrivés dans la rue. Mes voisins, mais aussi des passants qui se sont arrêtés, des livreurs Uber. Tout le monde s’est tu. Puis il y a eu des applaudissements. Nous avons partagé cette réalité imaginaire de Shakespeare, nous y avons adhéré. On a échangé avec les voisins à qui je n’avais jamais parlé, et aussi sur les réseaux sociaux. Cela fait partie de l’être humain d’avoir à partager à plusieurs ces réalités imaginaires. L’être humain a inventé l’art. Ce n’est pas qu’une question esthétique ou intellectuelle, ou de divertissement. C’est un besoin vital comme boire ou manger. Je comprends pourquoi notre Premi

Vous avez aimé ? Partagez-le !