À l’abri de rien
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C’est une impression mélangée de joie, d’irréalité, mais aussi d’inquiétude – il ne faut pas le cacher –, que nous donne ce chiffre 300 imprimé sur la une de ce nouveau numéro du 1. Évacuons l’inquiétude, elle relève des aléas de la distribution de la presse écrite en France depuis la mise en redressement judiciaire de la société Presstalis. Les recettes de nos publications – le 1, mais aussi America et Zadig – sont bloquées pour un montant supérieur à 930 000 euros, sans perspective tangible de les récupérer. On se ferait un sang d’encre pour moins que ça. Mais si un vent contraire veut souffler la sixième bougie de notre hebdomadaire, il n’efface pas cette joie de toute notre équipe à vous offrir semaine après semaine, depuis avril 2014, une publication un rien surréaliste – d’où notre sentiment aussi d’irréalité. C’est Laurent Joffrin qui, dans Libération, le 3 juin, a trouvé les mots justes et subtils pour décrire notre aventure : « Une feuille magique, écrit le patron de Libé, qui porte le dépliant au rang d’une œuvre esthétique, qu’on lit en trois formats successifs comme on déploie une tente qui devient, en trois gestes, l’abri du savoir. »
Si nous ne sommes à l’abri de rien, la période singulière dont nous sortons remplis d’incertitudes nous a au moins appris que s’informer et tenter de comprendre le monde autour de nous restait un précieux oxygène. Une hygiène pour l’esprit quand le doute et l’imprévisible l’emportent ou interrogent. Pour ce trois centième numéro du 1, nous avons eu à cœur de nous pencher sur l’état du lien qui nous unit ou devrait nous unir, après que l’injonction de repli et de distanciation sociale – devenue distanciation physique – nous a séparés les uns des autres. Le philosophe Emmanuel Levinas a su par son œuvre nous montrer précisément la part de l’autre dans nos vies, l’importance de la responsabilité que nous contractons envers autrui, un sentiment éthique, même si cet autre nous reste résolument étranger. À travers des réflexions sociologiques, artistiques, politiques, religieuses et psychanalytiques (c’est justement le pluridisciplinaire qui fait le 1 !), à travers une longue enquête à fleur de peau sur les plus fragiles de nos sociétés, nous avons ainsi questionné nos élans et nos envies d’après-confinement, ouvrant une sorte de trousse de secours pour s’en sortir sans se trahir. Et pour faire bonne mesure, l’illustrateur Stéphane Trapier, croqueur de bobines depuis le premier 1, s’est déconfiné sur toute la surface d’une deuxième feuille, nous prouvant qu’un dessin silencieux peut dire la joie d’être ensemble mieux que quantité de mots. Et nous montrer le chemin.
« On arrive à refaire une société avec les récits imaginaires »
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J’ai la sensation que mon métier pose quotidiennement cette question. Un rideau qui se lève, au moment où…
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Pourquoi Emmanuel Macron, champion du « en même temps », a-t-il appelé son mouvement En Marche ? N’aurait-il pas dû le baptiser Ensemble ? Ce mot est en effet issu du latin impérial insimul qui signifi…