Pourquoi Emmanuel Macron, champion du « en même temps », a-t-il appelé son mouvement En Marche ? N’aurait-il pas dû le baptiser Ensemble ? Ce mot est en effet issu du latin impérial insimul qui signifie « à la fois, en même temps ». Mais l’idée était probablement de marcher ensemble, vers un monde meilleur. Si beaucoup d’électeurs lui ont emboîté le pas, certains se sont arrêtés en route ou ont rebroussé chemin. Le chef de l’État, chef des marcheurs, a néanmoins déclaré la guerre au virus en affirmant : « Nous tiendrons, ensemble. »

Cet adverbe convivial permet de dire tout et son contraire. Alors que les mouvements d’opposition ont créé le collectif Ensemble, la principale page qui soutient le président de la République sur Facebook s’intitule Ensemble. Il faut croire qu’aucun autre mot ne traduit aussi bien l’idée d’être unis, réunis, en chœur, en commun, coude à coude, main dans la main.

Comment revivre ensemble après avoir été confinés de concert et de conserve ? La théorie des ensembles ne nous est pas d’un grand secours. Le philosophe Bertrand Russell en a d’ailleurs démontré la faille avec son fameux paradoxe. Il a été ordonné au barbier de raser tous les hommes du village qui ne se rasent pas eux-mêmes, et seulement ceux-ci. S’il se rase lui-même, le barbier enfreint la règle. S’il ne le fait pas, il l’enfreint également. (Ici, deux minutes sont laissées au lecteur pour lui permettre de vérifier que le pauvre homme est dans une situation impossible.) Le barbier Macron doit, lui aussi, s’arracher les cheveux : quoi qu’il fasse, on le critique. Même quand un méchant virus l’amène à remplacer les ciseaux par le portefeuille en annonçant qu’on rasera gratis. 

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !