Depuis quelques semaines, une publicité tourne sur les écrans pour une célèbre marque de jean. Son message : « Achetons mieux pour porter plus longtemps. » Cause honorable, mais démarche bien plus contestable, qui laisse à penser qu’accumuler vestes et pantalons pourrait être bon pour la planète… Il faut dire que l’industrie de la mode a aujourd’hui une image à raccommoder. Pendant des années, celle-ci a marché sur du velours, préférant montrer au public ses nouvelles collections plutôt que ses ateliers de confection. Mais l’effondrement du Rana Plaza, en 2013 à Dacca, qui a causé la mort de 1 135 personnes, a ouvert les yeux sur le sort bien peu enviable des ouvrières de la fast fashion. Mal payées, maltraitées, celles-ci sont les soutières d’un système qui exploite la misère, tout cela pour un débardeur en polyester à quatre euros. Catastrophe sociale donc, catastrophe environnementale également pour l’industrie plus globale de la mode, à l’origine de 8 à 10 % des émissions de carbone dans le monde, davantage que le trafic aérien et le transport maritime réunis. Sans oublier les pollutions dramatiques des sols et des océans dont elle est à l’origine, à force de rejets de produits chimiques, ou encore ces 500 000 tonnes par an de microfibres de plastique dues au seul lavage des vêtements.

Jusqu’où va aller cette folie ? Dans ce numéro du 1, nous dévoilons les sales dessous du monde de la mode. Pour exposer les carences de l’industrie, afin qu’elle relève ses normes sociales et écologiques de production. Mais aussi pour juger de notre propre responsabilité dans cette dérive. En quinze ans, notre consommation de vêtements a augmenté de 60 %, alors même que nous les conservons deux fois moins longtemps. Plus des deux tiers de notre garde-robe dort dans des placards, quasiment jamais utilisée. Et l’essor des achats en ligne a encore renforcé notre propension à nous payer des articles bon marché, généralement aussi nécessaires à nos vies qu’un sixième doigt à nos gants… Évidemment, il ne sert à rien de remonter des bretelles en négligeant les injonctions sociales, le poids des campagnes marketing, plus agressives encore auprès des femmes, et qui incitent à empiler tee-shirts, robes et chemises de toutes les couleurs. L’idée est plutôt de prendre le pli de la cohérence, quand on s’inquiète de l’exploitation des êtres ou de la dégradation de l’environnement : non, nous ne sommes pas condamnés à rester des victimes de la mode. Alors achetons mieux, et moins. 

 

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